La tradition japonaise dit que «chaque situation est la meilleure des occasions pour ressentir l'Être». De même, il y a cet autre principe japonais : le sommet d'une technique maîtrisée n'est pas de pouvoir effectuer une grande performance mais de faire un pas en avant sur le chemin intérieur. Ces deux idées résument le rôle du quotidien.
Il est malheureux qu'en Occident, on ne voit que la performance, alors que pour la tradition orientale, ce que nous appelons le sport est en même temps la chance de ressentir la transcendance. C'est au sommet de la performance technique, lorsque le mouvement se fait par soi- même et que le moi n'a plus besoin d'avoir peur de rater, mais fait son travail finalement sans «être là», c'est à ce moment-là qu'il y a la chance d'une expérience profonde.
Nous disions que, selon la tradition japonaise, une technique vraiment parfaite a comme sens non pas une performance extraordinaire mais un pas en avant sur le chemin intérieur. Qu'est-ce que cela veut dire ? Si vous savez vous servir d'une technique d'une façon parfaite, le petit moi n'a plus besoin de s'engager. Il n'a plus peur de rater le mouvement. Il peut faire confiance à ce qu'il sait faire. Il n'est plus engagé en tant que moi.
Par exemple, dans le tir à l'arc, la technique parfaite vous permet, peut-être après des années, de lâcher la flèche sans que le moi intervienne. Vous prêtez votre technique à une force plus profonde en vous-même qui lâche la flèche sans dépendre du moi. Ce qui peut vous donner tout à coup un sentiment sublime, une joie immense. Vous faites alors une expérience de l'Etre divin.
"L'esprit guide", de Frantz Woerly : Entretiens avec Karlfried Dürckheim.
Ce qu'écrit Dürkheim s'applique à la perfection à mon expérience de musicien : c'est quand "moi" n'est plus là que la musique est vraiment là; je le ressens, et ceux qui écoutent le ressentent aussi. Jouer de la musique s'intègre ainsi à la pratique plus générale de l'approfondissement du quotidien.
Fleur de Vie
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