jeudi 10 décembre 2015

Karlfried Dürckheim : Essence et Existence







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Peut-on dire où s'arrête le rôle et l'efficacité de la raison? Quel est son rôle en tant qu'outil?

C'est une question qui trouve sa réponse d'elle-même. C'est seulement grâce à notre faculté raisonnable qu'on peut organiser la vie existentielle. Mais ce don qui nous rend capable de l'organiser avec exactitude repré­sente alors l'obstacle même pour s'enraciner dans une vie qui se situe aussi au-delà de l'existence. Par contre, l'esprit dont nous avons besoin pour reconnaître et nous enraciner dans la transcendance ne peut pas organiser tout seul l'existence.
Il y a là une contradiction. Faire son travail, épouser un homme ou une femme qui vous convient, éduquer vos enfants et finalement être un bon bourgeois. Si cela est tout pour vous, alors avoir plus ou moins d'intelligence conceptuelle suffit. Encore un petit peu de bonté, un petit peu de coeur et tout est là. Un peu de chance aussi qui vous procure un bon emploi et c'est tout. Tandis que l'homme spirituel n'est pas du tout satisfait de cela. Il connaît l'appel de son Etre profond. Alors existe un tiraillement permanent entre l'appel de sa profondeur et l'appel de son existence.



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Quel rôle joue le mental dans cela ?

Le mental, c'est-à-dire la faculté de penser, doit permettre de se dire : « Grâce à mon intelligence, je dois simplement accepter qu'en moi il y ait deux voies qui m'appellent : la voie de l'existence et celle de l'Essence. Alors je dois rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Il y a alors là une solution pour rester témoin de sa profondeur même à la surface du monde.


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Le mental aide donc à tisser une vision cohérente du monde ?

Nous avons à distinguer les choses et à mettre chacune à leur place. Savoir organiser sa vie intérieure et la mettre en relation juste et fructueuse avec sa vie extérieure.
Mais dès que vous posez la question : « Qu'est-ce que c'est que ça ? » l'Etre transcendant s'en va. Dès que vous laissez entrer le mental, tout de suite la voix de Dieu se tait. Elle ne peut rester dans l'emprise du mental.
Alors quelle est la particularité du mental ? Il s'agit de la faculté pour une conscience de distinguer l'Essentiel de l'Existentiel, ainsi que le rôle que chaque pôle peut respectivement jouer dans la vie : comment les distinguer, où s'enraciner, etc. Tout ça, c'est le travail du mental.
En outre, il y a là un Moi qui est au-delà de l'existence et de l'Essence. Par exemple, j'ai une lettre à écrire et c'est l'heure de ma méditation. Qui est-ce qui juge ce que je dois faire ? Il y a cette lettre inévitable, comme est inévitable la promesse que j'ai faite de faire ma médita­tion. Qui est celui qui décide ? C'est très intéressant de se poser cette question. Car il y a en nous quelque chose qui est au-dessus des deux pôles. Qui est ce Moi ? C'est un problème qu'il faut vraiment se poser.



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Eh bien, il s'agit du témoin de la conciliation possible entre les exigences différentes. C'est la voix d'une conscience. C'est elle qui finalement donnera l'ordre et sera l'unité possible entre le pôle essentiel et existentiel.
Le rôle de cette conscience est de dire quelle sorte de Moi doit s'exprimer : essentiel ou existentiel ? Elle prend la décision : « Est-ce que je dois écrire cette lettre ou est-ce que je dois faire ma méditation ? » Les deux ont le même poids dans ma vie actuelle. Alors qui décide ? C'est celui que je crois représenter la conscience du Tout, qui peut être le résultat de cette vie.
Mais c'est un problème très difficile. Toutes ces questions sont très délicates, parce qu'elles présupposent pour les comprendre une personne qui ait déjà eu une expérience mystique. Sinon, elle dit : « C'est du bara­tin. » Que voulez-vous faire avec une personne pareille ? J'ai d'ailleurs déjà dit beaucoup de choses qui présuppo­sent une petite nostalgie.
Ce dont il faut prendre conscience, c'est que dans la mesure où nous gagnons le contact avec notre Etre, notre vie gagne en largeur, en profondeur et en hauteur. Et que sans cette racine, notre vie est très étroite, superficielle et coincée, et sans ampleur. Mais qui a ce contact ?
"L'esprit guide", de Frantz Woerly : Entretiens avec Karlfried Dürckheim.



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3 commentaires :

Ariaga a dit…

Voilà un article qui me parle fort. Amitiés.

Chronophonix a dit…

Amitiés, Ariaga.

La Licorne a dit…

Oui, j'aime beaucoup cet extrait, aussi. Merci.

Je vais me permettre de le mettre en lien dans l'article que je suis en train d'écrire sur les livres de Dürckheim...