lundi 20 mai 2019

Achille Talon, par Greg : Un ego si modeste...








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jeudi 16 mai 2019

Henri Gougaud : L'examen










C'était un jour d'octobre, à l'au­be. Paris s'éveillait à peine. Le soleil ouvrait là-bas, au bout de l'avenue, assis sur son lit de brume bleutée. Le premier client de la journée poussa la porte du bar « Au réveille-matin », boule- bard de La Villette, et s'accouda au zinc. Le patron, à demi enfoui sous son comptoir, se disputait avec une caisse de bouteilles. On l'entendit se moucher bruyam­ment, puis il se redressa en s'ai­dant de sa main droite agrippée au percolateur, au-dessus de sa tête chauve. « Aïe, mes reins », dit-il dans un souffle pâteux. Il vit alors l'individu qui venait d'en­trer, ouvrit la bouche d'où sortit un râle bref et tomba à la ren­verse, évanoui, raflant au passage deux étages de verres.

Le client sortit sans proférer le moindre mot. Il eût été intéres­sant, pourtant, qu'il en articulât au moins un. Ainsi, sur-le-champ, aurions-nous pu avoir une idée de son langage, du timbre de sa voix, de ses manières. Bien sûr, son ap­parence était parfaitement épou­vantable. Il n'avait rien d'humain, bien qu'il fût bipède et de taille banale. Mais il avait l'air bien por­tant : dix yeux humides, grands ouverts, rampaient sur sa face ve­lue, comme de vagues mollusques. Sa bouche énormément lippue s'ouvrait en un endroit où l'on a coutume, en nos pays, de situer le front. Mais il fumait la pipe, signe incontestable de pacifisme et de spiritualité. Son corps, d'un violet soutenu, était constellé de volcans miniatures qui crachaient de-ci, de-là quelques vapeurs noirâtres, ses pieds étaient des sabots che­valins, quoique mous, et au bout de ses bras pendaient d'étranges gueules vipérines, en guise de mains. Mais ses gestes n'étaient pas dénués d'une certaine élégan­ce, et, pour tout dire, il n'était pas un sauvage. Il avait même l'allure d'un être parfaitement ci­vilisé.

Pourtant, dès qu'ils l'aper­çurent, déambulant sur le pavé matinal, deux gardiens de la paix brandirent leurs révol­vers et tentèrent de l'abattre. L'ho­norable créature fit semblant de ne point en être incommodée et se contenta de faire pivoter trois yeux derrière sa tête qui contem­plèrent, d'un air mélancolique, la fuite éperdue des deux pandores, à bout d'arguments. Quand ils eu­rent disparu, d'un pas vif et régu­lier, elle prit la première rue à droite, puis la troisième à gauche, s'arrêta enfin devant un immeuble de six étages d'aspect tout à fait ordinaire.

Il était sept heures. L'étrange bipède s'assit sur le bord du trot­toir et attendit, indifférent au dé­sarroi des passants qui, bientôt, s'attroupèrent à bonne distance. Quelques brèves minutes passè­rent avant que n'arrivent deux cars de police qui prirent position aux deux extrémités de la rue. Le halètement des klaxons, le soudain déploiement des forces policières, le brouhaha des badauds aggluti­nés, n'eurent aucun effet apparent sur le métabolisme de celui que l'on appelait déjà, dans la foule, le monstre. Il demeura posé sur son bord de trottoir, non sans non­chalance, un oeil au ciel, six médi­tatifs et trois fermés, accrochés à son menton. Deux rangs serrés de gendarmes crispés, visiblement d'humeur massacrante, s'ébranlè­rent pour ne s'arrêter qu'à deux mètres de lui, environ.
Il était irrémédiablement cerné. Alors il se leva et salua courtoise­ment la compagnie :
« Voulez-vous annoncer à M. Séraphin Leduc que je désire le voir ? », dit-il d'une voix étrange­ment féminine. « Il habite cet im­meuble », ajouta-t-il en désignant, derrière lui, la porte close.
Son énorme bouche frontale se referma sur sa pipe.
Evidemment, nul ne lui répon­dit. Il y eut des mouvements di­vers. Deux personnages d'aspect important s'approchèrent, es­sayant de voir entre les têtes cas­quées.
— « Il a parlé ? », dit l'un.
Qu'est-ce qu'il a dit ? » -
Chais pas », balbutia un gradé complètement effaré. « Il veut par­ler à un type de l'immeuble ».
« Effectivement, reprit la créa­ture. Je désire m'entretenir avec M. Leduc. Il habite ici, au troisiè­me. » Et elle avala sa pipe en fai­sant gloup, négligemment.
Nouveau flottement. Au lar­ge du petit cercle des négo­ciateurs, la rue était déserte, sur une cinquantaine de mè­tres. De nouveaux renforts de police prirent position sous les portes cochères. Le monstre émit quelques sons étranges en voyant apparaître, haut dans le ciel, une sphère métallique éblouissante. Nul, sauf lui, ne l'aperçut.
A l'instant où l'un des deux per­sonnages importants allait se dé­cider à parler, là porte de l'im­meuble s'ouvrit et M. Leduc parut. C'était un quinquagénaire gris, fluet, légèrement voûté — le genre d'homme qui passe partout ina­perçu. Il portait sous son bras une serviette débordante de papier à musique.
« M. Séraphin Leduc ? », s'en­quit la créature.
« C'est moi-même », admit l'interpellé légèrement surpris, mais digne.
« J'aimerais vous parler », dit le monstre.
« Je veux bien, répondit Leduc, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je dois livrer ces partitions à neuf heures précises au studio Barclay. Je suis copiste, vous com­prenez. Petit métier, mais je ne tiens pas à le perdre. »
« Je serai bref, dit le mons­tre. Voici : en tant que délégué des Planètes Unies, j'ai le plaisir de vous informer que vous venez d'être reconnu, par nos services galactiques de cérébrométrie, com­me l'homme le plus intelligent de la Terre. (« Très honoré », mur­mura Leduc). Je représente donc, devant vous, l'assemblée interpla­nétaire des Mondes Intelligents et vous représentez devant moi la plus haute expression de l'intelli­gence humaine. Je dois tester — telle est ma mission — votre de­gré d'évolution intellectuelle, et par là-même évaluer celui de votre planète, puisque vous êtes son plus brillant représentant. Pour ce fai­re, je vais vous poser une ques­tion. Si vous répondez de façon satisfaisante, la Terre sera admise ' dans le concert des Planètes Unies. Inutile de vous dire que, dans ce cas, de prodigieuses perspectives seront tout à coup ouvertes à vo­tre humanité. Dans le cas contrai­re, tout restera en l'état jusqu'au prochain examen, dans deux mille ans.Etes-vous prêt, M. Leduc ? »
Leduc opina. Le cercle poli­cier, au milieu de la rue, se fit monolithique autour des deux compères. Le sort du monde allait se jouer là, sur quelques mè­tres carrés de pavé anonyme. Il était huit heures cinq. On enten­dait au loin une rumeur de foule malsaine et des concerts de klaxons impatients. La journée s'annonçait belle. Tous les témoins de la scène, pétrifiés, étaient d'une pâleur verdâtre.
— « M. Leduc, dit la créature, non sans solennité, que savez-vous de la nature ultime de la ma­tière ? »
Le visage du petit homme gris s'il­lumina.
— « Tout ! répondit-il. J'ai tout compris, tout expliqué (il extirpa de la poche intérieure de sa veste une feuille de papier quadrillé soi­gneusement pliée en quatre). Re­gardez, tout tient en quelques équations simples. Personne n'a jamais voulu m'écouter. Pourtant, à partir de ces formules, on peut modeler la matière à volonté dans le vide, et cela sans la moindre explosion, pfffttt. Mais que vou­lez-vous, le gouvernement m'a re­fusé l'autorisation d'en faire la preuve expérimentale. Ils sont comme ça, en France. Tenez, vous pouvez vérifier, tout est juste. Mais rendez-moi mon papier, je ne m'en sépare jamais. »
— « Je le garde, répliqua le mons­tre. Merci beaucoup, M. Leduc. Vous êtes vraiment très intelligent. »
La sphère de métal — un as­tronef — se balança au-des­sus des toits et descendit lentement vers le sol, sans le moin­dre bruit. Dès qu'il fut à portée de voix, la créature leva tous ses yeux ensemble vers le ciel, brandit la feuille de papier quadrillé au-des­sus de sa tête et hurla :
— « Descendez l'échelle, les mecs ! J'ai la formule ! Je la tiens ! On les a eus ! Youpee ! »
Dans l'indescriptible confusion qui présida au départ du monstre, Séraphin Leduc réussit à s'éclip­ser. Il fut un peu en retard à son rendez-vous et s'excusa auprès du chef d'orchestre :
— « Je viens de passer une ma­nière de baccalauréat cosmique, dit-il. L'examinateur était très in­telligent. Il a tout compris. C'est peut-être catastrophique pour l'hu­manité, mais c'est très satisfaisant pour l'esprit. »
Et il s'en fut, à petits pas, boire un verre au bar des artistes.






In Memoriam Hans Ruedi Giger


C'était il y a 5 ans...




L'artiste suisse Hans Ruedi Giger, concepteur de la créature des films Alien, est décédé le 12 mai 2014 des suites d'une chute à l'âge de 74 ans, selon RTS.ch. Il avait reçu un Oscar pour ses effets spéciaux.








Emerson, Lake & Palmer : "Jerusalem", from album "Brain Salad Surgery"








mercredi 15 mai 2019

Lee Lozowick : «Dualité illuminée», révélation et intégration.






Le texte qui suit est extrait du volume 6 de l'ouvrage collectif «Le coeur éternel de la voie» écrit par des élèves de Lee Lozowick sous sa direction. Il convient de ne pas perdre de vue que cette écriture s'est déroulée sur une longue période, et que tout ce que vous pourrez lire dans ce texte est la synthèse d'une pratique vécue concrètement par un grand nombre de personnes. Pour ceux que le terme «guru» pourraient gêner, n'oubliez pas que le «guru» est avant tout le principe spirituel primordial, que d'autres vont désigner par l'Être essentiel, ou encore, pour employer un terme religieux, le Divin, s'incarnant ou non à travers un être humain, mais qui nous concerne tous de la même façon.



Révélation et intégration

La révélation de l'Assertion survient quand il devient évident que précisément « ce qui est », maintenant, est tout ce qu'il y a, ce qui revient au vieux dicton : « Ce que vous voyez est ce qui vous est donné ». Quand nous réalisons que Juste Ceci est tout ce qu'il y a, que tout ce qui vient se surajouter n'est que le fruit de notre imagination et de notre fausse perception — entretenant, au moyen de chimères psychologiques, toutes sortes d'idées sur « soi » qui n'ont aucun fondement dans la réalité — alors la vive lumière de la simple vérité ordinaire de Juste Ceci se révèle dans toute sa gloire.

Il devient simplement évident et manifeste que Juste Ceci est tout ce qu'il y a. Il n'y a rien de plus, nulle part, jamais. Il n'y a que Juste Ceci. S'il y a Juste Ceci, il n'y a rien d'autre, pas autre chose, rien à quoi opposer, comparer, référer Juste Ceci. Il n'y a que ce qui est vrai. Le « je » est précisément un engagement et un attachement envers une histoire ou des histoires qui ne sont tout simplement pas vraies. S'abandonner complètement à ce qui est vrai, c'est découvrir l'illusion du « je ». Quand il n'y a que ce qui est vrai, alors « je » ne peut exister nulle part, n'a nulle part où s'enraciner. « Je » ne peut s'enraciner que dans l'imaginaire, pas dans la réalité. S'il n'y a pas de « je », il n'y a alors personne à protéger de la vérité, personne qui puisse être blessé, diminué, menacé ni destitué par la vérité. Lorsque nous voulons la vérité plus que nous ne voulons l'idée que nous nous faisons de nous-même, alors la liberté frappe à notre porte.

S'abandonner à la révélation de Juste Ceci est le moyen par lequel tout ce qui existe est transformé en nourriture pour le Divin. Les êtres humains ont été créés pour fonctionner comme une sorte de système digestif à travers lequel l'existence mani­festée est traitée par les facultés cognitives de l'être humain. En reconnaissant « ce qui est » — à supposer qu'il puisse s'empêcher d'utiliser la cognition de la réalité pour renforcer un soi ou une « histoire » séparés —, l'individu est, en réalité, invité à participer de la Conscience divine. C'est ce que l'on appelle la position du témoin illuminé, et ce qui permet à toute facette de la réalité manifestée d'être consacrée et donnée en nourriture à l'Absolu.

Le coeur de la Communion Divine est comme une fournaise ardente qui doit être ravitaillée en combustible pour pouvoir continuer à fonctionner. Notre attention est censée être un outil à l'usage du Divin. Comme une pelle, notre attention ramasse les manifestations ordinaires simplement en les voyant telles qu'elles sont, puis en les offrant au Coeur du Divin. Ainsi, la Création — manifestée — est consumée dans la fournaise du Non- Manifesté, ou Absolu, et le Divin est alimenté par l'abandon de notre attention à cet usage. Cet abandon est l'Assertion ; l'acti­vité spontanée de la vie transformationnelle rendue possible par la grâce du guru.


La révélation de Juste Ceci, ou la réalisation de la non- dualité, est le fondement sur lequel les principes de la Dualité Illuminée peuvent être mis en pratique. Le danger, toutefois, est que l'expérience de la réalisation non-duelle puisse sembler être l'achèvement de la vie spirituelle, alors qu'elle n'en est que le début ou les prémices. Dans notre tradition, le maître spirituel ou les pratiquants avancés nous recommandent avec sagesse de ne pas nous emballer à la première lueur de non-dualité. De même que, au cours de notre sadhana, nous sommes peut-être passés par des moments d'affolement alors que nous étions en proie à des phénomènes du monde des ténèbres, nous pouvons tout aussi bien être enclins à une espèce d'affolement inverse dans lequel nous supposerions que, sur la base de notre réalisa­tion, nous devrions faire une sorte de déclaration à notre en­tourage ou prendre des mesures aussi radicales que celle de renoncer au monde. À cette étape, nous sommes mis en garde contre toute revendication prématurée ou supposition que notre réalisation est permanente. Ce qui nous prémunit contre la stra­tégie à laquelle recourt ensuite l'ego — stratégie qui consiste, dans un grand élan de vanité spirituelle, en une assomption de cette révélation de la non-dualité et de tout ce qui va avec —, c'est de nous enraciner dans le guru yoga : tout arrive, ou n'ar­rive pas, par ce que Lee a appelé « le sacrifice de soi du guru ».

Le guru est tout autant, si ce n'est davantage, le fondement de notre vie après notre « éveil » qu'avant. Ici, nous employons le terme « éveil » dans le sens d'entrevoir la vérité, ne serait-ce que pour un bref instant, voire pour plus longtemps. Si c'est pour plus longtemps, nous pouvons alors croire, à tort, que nous sommes parvenus à quelque chose. Ce n'est pas le contexte dans lequel il convient de considérer notre expérience. Nous mainte­nir enracinés dans une vie de pratique véritable, simple et au­thentique, après de grandes épiphanies de non-dualité, est quel­que chose dont la plupart d'entre nous n'est tout simplement pas capable.


Au moment où les portes de la non-dualité nous font entre­voir son édifice glorieux et où nous sommes passés sous son porche engageant et majestueux, deux chemins s'ouvrent devant nous. Le premier est une grande voie toute droite et infinie de parfaite harmonie. Elle est bordée tout au long de cerisiers en fleurs, ombragée par leur feuillage, embaumée par le parfum des fleurs dont les doux pétales de sa gloire pleuvent sur ceux qui l'empruntent. La plupart de ceux qui franchissent le porche n'a conscience que de ce chemin. Là, nous croyons être arrivés au but, avoir atteint l'objectif et pouvoir nous reposer sur nos lauriers.

On découvre le deuxième chemin juste au-delà du porche, en s'enfonçant dans les fourrés qui s'enchevêtrent tout autour de ses piliers, empêchant quiconque, sauf celui qui le chercherait, de voir le sentier à peine perceptible qui serpente parmi les broussailles touffues qui poussent à côté de la clairière, près du porche. Celui qui s'enfonce profondément dans la forêt peut découvrir ce qu'elle recèle : une flore et une faune très variées, avec de jeunes plants, des herbes et des fleurs rares dont il peut prendre des boutures, et des « espèces en voie de disparition » dont il faut prendre un soin tout particulier. Puis, si le pratiquant est suffisamment expérimenté et s'il a reçu une formation appro­priée, il trouvera le chemin qui le ramènera devant le porche le plus vite possible et se mettra au travail, transplantant, élevant et faisant pousser, en deçà du porche, quelques spécimens de cette flore et de cette faune merveilleuses et utiles.


Ceux qui n'ont pas de formation et franchissent le porche sans indications, sans conseils et sans avoir été convenablement préparés au bon usage d'une circonstance aussi favorable, ne soupçonnent jamais l'existence d'un tel chemin, ni les richesses que recèle la forêt qui longe la grande voie facile et confortable de la « réalisation ». Tout ce qu'ils font, c'est de sauter dans la Cadillac rose décapotable garée à côté de la grande voie et d'appuyer sur le champignon. Peut-être vont-ils attacher au pare-choc un chapelet de boîtes de conserves biologiques qu'ils traîneront derrière eux avec fracas et mettront-ils à l'arrière un auto-collant « Jeune illuminé ». Alors que les kilomètres défile­ront sur la route qui la conduira à sa « nouvelle » vie, tout ce qu'une telle personne obtiendra est la force de la réalisation non-­duelle appliquée à la personnalité, ce qui donne un changement, qui peut même être radical, du personnage — mais qui n'est rien d'autre qu'une variante du masque identitaire recouvrant l'éclat, le prodige et le mystère naturels de Juste Ceci.

La majorité prendra ce nouveau personnage pour le processus de transformation. En réalité, le processus de transformation suppose de saisir la chance de se retrouver dans le domaine de la non-dualité pour s'emparer de quelques-uns des trésors liés à l'évolution qu'il recèle, et de prendre la décision de s'en retourner dans le domaine de la dualité en les emportant avec nous. Se retrouver dans le domaine de l'union n'est pas le processus de transformation, mais l'effet de la grâce. Le processus de transfor­mation suppose de volontairement embrasser la dualité — donc la séparation — après avoir découvert que la grâce est notre seul espoir, et d'apporter, dans la vie quotidienne, le potentiel de transformation et l'impact de celui qui a reçu une telle grâce.


Lee a déclaré que, dans notre tradition, le but de la pratique est de nous rendre capables d'être simultanément dans un état de prière, ou de communion avec le Divin, et parfaitement fonc­tionnels dans le domaine relatif. Cette description de la « Dualité Illuminée » nous montre la nécessité de devenir un virtuose dans deux domaines : celui de la perception ordinaire, et celui de la perception subtile. L'habileté dans ces deux domaines signifie que nous ne nous identifions pas et, par conséquent, ne nous limitons pas, à aucun des deux, et qu'à tout instant, pour répon­dre aux besoins du moment, nous sommes capables de porter notre attention sur l'autre domaine. Quel que soit l'aspect de la réalité qui nous fait les yeux doux, nous honorons notre autre maîtresse qui se languit de notre regard et de nos caresses. Lorsque nous faisons cela très fréquemment et de manière tota­lement invisible, nous devenons le creuset dans lequel le monde du surnaturel et celui de la matière peuvent cohabiter. Ce qui facilite cette rencontre de forces, c'est la chimie essentielle qui aboutit à l'alchimie de l'évolution, ou alchimie divine. C'est de là que vient l'expression de Lee : « Dualité Illuminée ».

Nos « progrès » spirituels dépendent, par conséquent, de l'équation de l'intégration. Le stade ultime de l'éveil spirituel est l'intégration totale de l'unicité de la réalité et de son ap­parente multiplicité. Le résultat de nos efforts sur la voie est le fruit de la force de nos révélations à laquelle s'ajoute notre capa­cité à appliquer ces révélations et clartés à notre vie de tous les jours. Tel est le processus d'intégration, qui a une importance capitale sur la voie. La réalisation, décuplée par l'intégration, montre la grande valeur de notre travail spirituel dans le pro­cessus de l'évolution. Une valeur nulle pour l'un des deux termes de l'équation aboutit à un résultat final nul.
Le terme « d'intégration » ne suppose pas que ces deux domaines fusionnent ni qu'il soit nécessaire qu'ils fusionnent. À vrai dire, il n'implique pas non plus qu'ils soient, ou aient été, séparés au départ. L'intégration se produit quand ces deux aspects de la réalité peuvent fonctionner ensemble et se soutenir l'un l'autre, sans antagonisme agressif. De même qu'il faut deux rails à un train pour rouler, la dualité et la non-dualité représentent les deux forces qui doivent être parfaitement parallèles l'une à l'autre afin que la locomotive puisse avancer et qu'elles constituent une voie plutôt que deux rails.

En reconnaissant l'interdépendance de ces deux aspects, nous commençons à honorer, dans une même mesure, les deux pôles de notre expérience, en n'étant plus constamment polarisés par le souhait de n'avoir que l'un des deux aspects, dans des cycles sans fin de désir et d'aversion, ce qui constitue précisément le problème de l'illusion de la séparation. Nous commençons à ap­précier la relation entre ces deux aspects de la réalité plus que nous n'apprécions notre attachement à l'un des deux aspects pris séparément. Nous entrevoyons que l'abandon de soi est le coeur de la discipline, et que la discipline est le fondement de l'aban­don de soi. Cette aisance dans les deux domaines nous conduit au détachement fondamental dans lequel prend sa source le véri­table pouvoir du combattant spirituel ou disciple. En ce sens, le disciple est aussi un renonçant. 

Dans le renoncement, il ne s'agit pas de ne rien posséder, mais de ne rien avoir à perdre. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'on peut devenir « disciple » au vrai sens du terme, à savoir, celui qui est prêt à apprendre. Nous ne pouvons pas être prêts dans un contexte d'attachement, de pré­tention ou de présomption, mais seulement si, par la discipline et l'abandon de soi, nous nous sommes rendus prêts à tout, sans pour autant attendre quoi que ce soit. A partir de cette tension créative, nous pouvons finalement prendre la route infinie du disciple sous la férule d'un maître, comme nous le montrent les exemples vivants que sont, entre autres, Lee Lozowick et Arnaud Desjardins, qui ont tous deux maintenu l'intégration de la révélation reçue en tant que disciples — à travers l'obéissance, la vénération et le constant abandon de soi aux pieds de leur maître respectif.





Kurt Weill : Alabama song








Quatre versions de ce classique de Kurt Weill et Bertolt Brecht, Alabama song, qui est en fait la troisième pièce musicale du prologue de l'opéra "Mahagonny". Il est à noter que l'interprétation des Doors, tout en étant la plus connue, est celle qui s'éloigne le plus de la partition originale (harmonies simplifiées, structure et texte modifiés).







4xWeill


Alabama Song

Oh show us the way to the next whisky bar
Oh don't ask why, oh don't ask why
For we must find the next whisky bar
For if we don't find the next whisky bar
I tell you we must die, I tell you we must die
I tell you, I tell you, I tell you we must die

Oh moon of Alabama
We now must say good-bye
We've lost our good old mamma
And must have whisky oh you know why
Oh moon of Alabama
We now must say good bye
We've lost our good old mamma
And must have whisky oh you know why

Oh show us the way to the next little boy
Oh don't ask why, oh don't ask why
For we must find the next little boy
For if we don't find the next little boy
I tell you we must die, I tell you we must die
I tell you, I tell you, I tell you we must die

Oh moon of Alabama
We now must say good bye
We've lost our good old mamma
And must have boys oh you know why
Oh moon of Alabama
We now must say good bye
We've lost our good old mamma
And must have boys, oh you know why.

Oh show us the way to the next little dollar
Oh don't ask why, oh don't ask why
For we must find the next little dollar
For if we don't find the next little dollar
I tell you we must die, I tell you we must die
I tell you, I tell you, I tell you we must die

Oh moon of Alabama
We now must say good bye
We've lost our good old mamma
And must have dollars oh you know why
Oh moon of Alabama
We now must say good bye
We've lost our good old mamma
And must have dollars, oh you know why.
(Bertolt Brecht)






lundi 13 mai 2019

Élise caron : Marie-Mad









Elise Caron - Marie Mad

Quand je vais battre le trottoir pour accoster les costards,
je m'habille en poupée Barbie, Barbarella Falbala.
De trop tôt jusqu'à trop tard, pour leur pied pour leur panard,
je me ma­quille en bas résille, trop de rouge trop de noir et de tralala.

Moi je me montre j'ai pas honte au point où j'en suis,
j'ai ma petite philosophie qui me suit qui me suit,
qui me tient com­pagnie.

Je suis toujours fidèle au poste, je suis pas des moins spécialistes,
c'est en deux ou trois ripostes que je leur fais croire à leur art,
mais c'est d'un seul coup de semonce qu'ils jouissent au hasard,
qu'ils enterrent leur petit monde tout au fond de mon trou noir.

Moi je me montre, j'ai pas honte au point où j'en suis,
j'ai ma petite philosophie qui me suit qui me suit.

Moi je me couche social, des fois je me la coule des fois je me la chiale,
je sais bien que j'ai pas de valeur sentimentale mais je suis d'intérêt public,
j'enlace toute la république qui me nique qui me nique.

Comme l'arbre de la chanson, j'en ai vu défiler des garçons,
ah c'est fou comme ils dépendent de la façon dont ils..

Il y en a qui prennent, il y en a qui donnent,
il y en a qui pren­nent et qui croient qu'ils donnent,
il y en a qui se plaignent et d'autres en rogne,
ceux-là faut que je me les cogne,
ah de com­bien d'enfants d'hommes différents j'aurais pu être la maman, 
des pères de toute la république et une mère unique, cynique.

Je suis leur cache-misère, la bergère d'un drôle de cimetière,
pour les loups pour les agneaux un seul chemin mène à mon petit tombeau.

Vrai j'ai pas l'air d'une bonne soeur, mais je peux dire aussi que je donne de l'amour, 
même si moi je me fais payer pour, dans toutes les femmes je vois des consoeurs.

Moi je vous dis comme Bobby que l'amour même sans amour
c'est quand même l'amour, comprend qui peut, comprend qui prend je vous dis,
c'est pour ça que je me laisse faire ça allège l'atmosphère, c'est pour ça qu'on me veut,
c'est pour ça que je me vends je vous dis,
j'ai ma petite philosophie qui me suit qui me suit,
moi je vous dis j'ai ma petite philosophie qui me tient compagnie.





samedi 11 mai 2019

L'Art d'être Conscient n°23 : Swami Prajnanpad & Arnaud Desjardins









Extraits de la page Facebook «L'Art d'Être Conscient»







«La véritable méditation est une activité non seulement différente mais même, en un sens, opposée à toutes celles que nous connaissons. Qui dit activité dit faire quelque chose et la méditation consiste avant tout à ne pas faire, tout en étant présent à soi-même, vigilant, intensément éveillé.
Pour comprendre l’essence de la méditation, il faut se souvenir de cette affirmation que nous sommes déjà ce que nous aspirons à être mais que nous n’en sommes pas conscients. Vous connaissez l’image que j’ai si souvent employée : « Nous sommes tous déjà nus sous nos vêtements. » Du fait des vêtements notre nudité demeure invisible, mais celle-ci n’est pas à projeter dans le futur comme le fruit de nos efforts ou l’effet de certaines causes, elle est là. Il y a simplement à la découvrir, à la révéler. C’est ce qui ne doit jamais être perdu de vue en ce qui concerne la méditation. Alors que dans la vie courante toutes nos tentatives visent toujours à mettre en œuvre des causes pour produire certains effets, dans la méditation il n’y a pas à produire, il y a à découvrir.» (Arnaud Desjardins, Approches de la méditation)







Le mental fait que nous ne sommes pas maintenant, parce que le passé vient colorer le maintenant et projeter ses craintes et ses espérances sur le futur. Quand vous serez libre du passé, je peux vous promettre que vous serez libre aussi du futur. Le mental fait que nous ne sommes pas ici, parce que le mental introduit une comparaison avec autre chose que ce qui est là; il crée «un second», une super-imposition. La vigilance, seule, permet d’échapper au mental; la vigilance, seule, permet de revenir, instant après instant, à la seconde qui est là pour la vivre dans la vérité. Que de milliers de secondes vous avez laissé échapper, sans même tenter de les vivre de façon juste ! Tout est possible au mental. Il n’y a jamais qu’une seule vérité mais des milliards de mensonges possibles.
(Arnaud Desjardins, Le vedanta et l'inconscient, chap. 3)