Extrait du n°76 de la revue 3ème millénaire, ce court entretien avec Marianne Dubois :
Le rien du rire et le jeu du "je"
3e millénaire - Tu parles du rien du rire alors que très souvent nous sommes ramenés à la tristesse d'être quelque chose qui souffre et qui est en manque de plénitude...
Marianne Dubois Nous pouvons ramener le rien du rire au niveau concret de notre vie quotidienne ; nous cessons alors de donner de l'importance à des détails et la "Présence" peut grandir. C'est à chaque instant de notre vie une question de choix. Dès que nous entrons dans ce qui nous est donné, dans ce qui est, nous découvrons que ce choix est exactement celui de notre âme et qu'il nous pousse vers ce que nous sommes vraiment. Il est notre aspiration la plus secrète. Apercevoir cela, c'est apercevoir la fin du conflit et de la division. Lorsque nous accueillons cette souffrance au lieu de la combattre, lorsque nous allons jusqu'à la recevoir dans l'amour, elle se dissout, refondue dans l'unité de l'Être. Elle n'est plus alors subie mais intégrée. Au niveau horizontal nous subissons la souffrance. Il s'agit ici de changer d'étage. En entrant dans cette autre conscience de nous-mêmes, la souffrance se transforme car nous avons "déclaré la paix". En l'absence de conflit, la souffrance peut se transformer en amour. Cette merveilleuse alchimie nous permet de traverser une sorte d'écran, nous passons une porte et de l'autre côté le mental est absent. De ce côté, les mots ne sont plus très significatifs car ils font partie du mental. Si l'on accepte une métaphore, on pourrait dire que la vie entière circule enfin librement et que le Rien et le Tout ne sont plus différenciés.
Vis-à-vis de la souffrance, nous essayons toujours de nous placer dans une distanciation mentale, alors que tu évoques souvent la distance nécessaire comme un "espace de l'âme". Peux-tu préciser ce point ?
L'important est de voir : une vision claire est une plongée au-delà du mental. C'est la distance qui se crée sur le plan de l'âme. Nous pouvons projeter cette souffrance à l'extérieur de nous, la reconnaître avec l'être entier, avec toutes nos facultés sans rien exclure. Dans cette clarté la distance n'est plus mentale, elle est un espace de l'âme qui permet de dissoudre la souffrance dans l'unité. L'humour peut accompagner ou même provoquer cette « distance de l'âme ».
Elle naît et coexiste avec l'humour.
Oui. L'humour peut éclairer nos souffrances, les alléger et les mettre à distance ; ce qui devient spirituel ! (Nous sommes bien ici dans le sujet de la revue).
Lorsque tu parles de « l'humour qui met à distance », il me semble important de rappeler que cette distance est « l'espace de l'âme ». En effet, habituellement, lorsque nous mettons à distance nos manifestations ou celles des autres, cela recouvre plutôt un certain cynisme ?
Oui, c'est tout autre chose. Dans le cynisme il y a séparation ; la distance est décidée par le mental qui ne crée que de la division et de la confusion. Cette distance là ne permet pas le dépassement de la souffrance (c'est-à- dire ce changement d'étage ou de conscience) mais la renforce.
Il convient donc de voir la différence entre le cynisme et l'humour véritable, l'un venant de l'égoïsme séparateur et l'autre venant du coeur ou de l'âme. Ce dernier épingle souvent nos propres travers dans une liberté malicieuse. Il n'y a pas de cynisme dans cette distance générée par le coeur, c'est un envol ou un allégement, un éclair de simplicité. Aussitôt qu'il y a complication c'est évidemment l'ego qui invente, se contorsionne et se livre à des acrobaties pour cacher son jeu de séparation. Lorsque c'est la clarté et la simplicité qui s'imposent, nous pouvons reconnaître immédiatement la non participation de l'ego.
Dans cette "non-prise" de l'ego, on ne se prend plus au sérieux.
Exactement, c'est comme si une ou plusieurs des images que l'on a de soi- même se dissolvaient.
Ou au moins, nous voyons que les images ne sont que des images et rien d'autre ; ce qui génère déjà l'esquisse d'un sourire.
Oui, nous voyons que ces images ne sont que les fabrications d'un ego qui se prend au sérieux et se protège de cette manière. Se prendre trop au sérieux, ou prendre les événements trop au sérieux, montre le refus et la peur. A cet autre étage de soi-même, l'importance que l'on se donne disparaît ; il n'y a plus de refus et nous pouvons rire en voyant le paon que nous sommes souvent et qui a toujours envie de faire la roue.
Si je choisis la joie, la Présence, la légèreté et l'harmonie, la sensation d'être, d'exister au-delà de mes limites apparentes, tout le reste devient secondaire. Lorsque ce choix de chaque instant s'effectue, le oui remplace le non et il n'y a plus de "je" pour décider, c'est la vie elle-même qui choisit. Mais au début de ce mouvement vers soi, le témoin observe le jeu, d'abord le jeu du je, ensuite le jeu du je qui devient joie, puis le jeu du rire qui se confond avec le témoin pour disparaître enfin là où les mots ne peuvent plus l'atteindre. De tout cela il ne reste rien à saisir ou seulement, peut-être, l'ineffable parfum que le rire a laissé pour ceux dont l'aspiration est de renaître à chaque seconde.
3 commentaires :
" c'est la vie elle même qui choisit "
Comme ces mots me font du bien ..
Ils me parlent de " suivre la Joie" .
Il n'est pas facile de parler de cette Joie que l'on confond souvent avec les joies ces plaisirs passagers qui nous sont si chers.
La Joie c'est effectivement quand le choix ne dépend plus de moi..et cela rejoint cette expression " habiter le courant " .
Un équilibre de chaque instant .
Le rire Joyeux..ne juge plus, n'observe rien ,il résonne .
bel article : l'essentiel est là ! Une personne qui utilise le nez rouge disait qu'il avait la même vertu que le châle : le moi disparaît !
J'étais sûre de retrouver ici Lilou joyeuse!!!
Oui, si je choisis la joie, la Présence, le oui remplace le non, il n'y a plus de je pour décider et c'est la vie elle-même qui choisit...
Rien à rajouter à cela si justement dit, simplement se laisser porter par ce courant d'amour et de rire... Pascale
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