J'ai découvert le "Folk-Song" américain dans les années 65-66 avec les chansons de Simon et Garfunkel, Bob Dylan, Joan Baez et Peter, Paul and Mary, dont je partage ici une version "live" du "Déserteur", de Boris Vian.
Le Déserteur
Men whose names are great,
I am writing you a letter
That you will read perhaps
If you have the time
Men whose names are great,
I don't want to do that
I am not on Earth
To kill miserable Mankind...
Messieurs qu'on nomme grand,
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour aller à la guerre
Avant Mercredi soir
Messieurs qu'on nomme grand
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer les pauvres gens
Il n' faut pas vous fâcher
Mais il faut que je vous dise
Les guerres sont des bêtises
Le monde en a assez
Depuis que je suis né
J'ai vu mourir des frères
J'ai vu partir des pères
Et les enfants pleurer
Les mères ont trop souffert
Quand d'autres se gobergent
Et vivant à leur aise
Malgré la boue de sang
Il y a les prisonniers
On a volé leurs âmes
On a volé leurs femmes
Et tout leur cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai la porte
Au nez des années mortes
J'irai par les chemins
Je mendierai ma vie
Sur la terre et sur l'onde
Du vieux au nouveau monde
Et je dirai aux gens
Profitez de la vie
Eloignez la misère
Les hommes sont tous des frères
Gens de tous les pays
S'il faut verser le sang
Allez verser le vôtre
Messieurs les bons apôtres
Messieurs qu'on nomme grand
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je serai sans armes
Et qu'ils pourront tirer
Et qu'ils pourront tirer
Boris Vian
Addendum: (Source : antiwarsongs.org)
"Le Déserteur" est incontestablement la chanson antimilitariste et contre la guerre la plus célèbre de tous les temps. Cependant, le dernier couplet originel n’était nullement “pacifiste” et était très différent de celui qu’on chante couramment: "Prévenez vos gendarmes, que je serai en arme et que je sais tirer". L’antimilitariste Boris Vian, donc, a écrit une chanson qui s’opposait très violemment à la guerre, et aux guerres françaises en particulier: la guerre d’Indochine qui venait de se terminer avec la défaite de Dien-Biên-Phu, et la guerre d’Algérie qui venait de commencer.
Le manuscrit de la chanson est daté 15 février 1954; elle est publiée le 7 mai de la même année, le jour de l'anniversaire de la défaite de Diện Biên Phủ. Mais ce n’est pas Boris Vian qui la chante le premier: c’est Marcel Mouloudji qui l’interprète pour la première fois à la radio pour une émission d’Europe 1 (avec le dernier couplet déjà modifié). Le scandale éclate.
Malgré toutes les modifications que l’auteur a apporté aux paroles de la chanson (non seulement le dernier couplet, mais aussi toute référence au Président, remplacé par de vagues "Messieurs qu’on nomme grands", a été éliminée), en janvier 1955 un conseiller municipal de la ville de Paris, M. Paul Faber, réclame avec succès la censure et obtient que "Le Déserteur" ne soit plus transmis à la radio.(...)
Censurée ou boycottée par les maisons de disques, "Le Déserteur" tombe plus ou moins dans l’oubli; Boris Vian meurt en 1959, et Marcel Mouloudji, qui avait été son premier interprète, est banni de la chanson française et condamné à une sorte d’exil artistique qui dure dix ans; la censure ne sera levée qu'en 1962, mais Boris Vian est mort depuis trois ans. Ce n’est qu’en 1966, avec la vague des "protest-songs" suite à la révolte de Berkeley contre la guerre du Viêt-Nam, qu’elle est redécouverte par Peter, Paul and Mary (mais dans la version “édulcorée” de Mouloudji et avec un titre différent, The Pacifist), qui la chantent en français avec une courte introduction en anglais. "Le Déserteur" devient aussitôt le symbole du mouvement et fait le tour du monde. Maintenant il n’y a personne qui ne connaît au moins le dernier couplet, "Si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes…"
Lien pour consulter le texte original, accompagné d'une analyse.
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