La Maladrerie Saint-Lazare
Exemple remarquable en France de l'architecture hospitalière des XIIe et XIIIe siècles, la Maladrerie Saint-Lazare se réveille et dévoile au public son architecture, son histoire et sa mémoire. Unique en son genre tant par son emprise que par la richesse de son bâti, ce site a gardé ses trois parties distinctes, correspondant à ses trois fonctions d’usage : au nord la ferme, au centre l’ancien logis des religieux et la chapelle romane, au sud l’enclos des malades, le tout sur un terrain clos de plus de trois hectares.
Depuis 2005, La Communauté d’Agglomération du Beauvaisis s’est engagée dans un ambitieux programme de restauration de la Maladrerie Saint-Lazare dont la première tranche de travaux a été ouverte au public en juillet 2009.
Imposante avec ses 740 m, la grange, restaurée aujourd’hui offre au regard du public sa magnifique charpente de chêne. Les visiteurs peuvent également flâner au grès des allées du jardin d’inspiration médiévale.
Un patrimoine réinvesti
La réalisation de cette réhabilitation a permis de réaffirmer l’importance de ce patrimoine dans le Beauvaisis et de l’inscrire dans une politique de développement du territoire. Aussi, une démarche singulière est mise en place reposant sur un projet pluridisciplinaire avec une double vocation : artistique et culturelle, d’une part, économique et touristique, d’autre part.
Joyau du patrimoine du Beauvaisis, la Maladrerie Saint-Lazare offre un réel atout touristique sur le territoire et tend à devenir un pôle touristique avec une offre « patrimoniale et historique » d’une part et une offre « jardin » d’autre part. Celles-ci se déclinent sous diverses formes, visites guidées de groupes, visites guidées en individuel, déambulation libre, ateliers, médiations et actions pédagogiques.
De plus, la restauration de la Maladrerie Saint-Lazare répond à une double volonté politique de sauvegarde de la mémoire commune du territoire et d'amélioration du cadre de vie. Ce joyau patrimonial doit pouvoir être découvert et approprié grâce à des propositions originales et porteuses de sens dans un esprit de démocratisation de l’accès à la culture. Dans cette optique, une programmation artistique et des animations culturelles innovantes sont mises en place. Concerts, expositions, spectacles de danse, s’y succèdent et redonnent sens et vie à ce site d’exception.
Cette imbrication entre enjeux touristiques et enjeux culturels constitue le cœur du projet de valorisation du site de la Maladrerie Saint-Lazare et permet d’en faire un lieu culturel d’envergure avec une offre de grande qualité, toujours diversifiée, à l’écoute des attentes du public et sachant susciter la surprise et la curiosité.
Un site exceptionnel : Neuf siècles d’histoire
Fondée à la fin du XIe ou début du XIIe siècle, cette institution hospitalière est implantée en périphérie de la ville autant par crainte de la contagion que pour des raisons économiques. Une communauté de frères et de sœurs s’occupe des malades. Un Maître, élu parmi les chanoines du chapitre, dirige l’établissement. Une fonction qui procure de substantiels revenus car les ressources de la maladrerie sont importantes. D’ailleurs, exerçant son droit de régale* lors de la vacance du siège épiscopal au XVIe siècle, le roi attribua ce bénéfice ecclésiastique à un laïc. En 1599, la maladrerie est placée sous la tutelle du Grand aumônier de France puis définitivement réunie au Bureau des pauvres de la ville en 1628. Après la Révolution, la maladrerie est morcelée, vendue comme Bien National puis transformée en exploitation agricole.
Un univers très cloisonné
La maladrerie, implantée sur un site de trois hectares entièrement clos, est caractérisée par une organisation sectorielle très marquée. Elle s’ordonne entre la cour des malades, la cour des gens sains et la ferme dont cet établissement tire sa subsistance et une partie de ses revenus. Les lépreux, qui ont leur propre puits, vivent au sud-ouest de la maladrerie dans des loges accolées au mur d’enceinte et donnant sur une cour qui leur est réservée. Cette dernière est agrandie au XVIIe siècle et dotée de nouveaux bâtiments dont il ne subsiste que des ruines et qui ont, peut-être, accueilli des pestiférés.
Trois chefs d’œuvre de l’architecture médiévale subsistent encore sur les lieux. L’église, seul lien entre le secteur des malades et celui des gens sains, se compose d’une nef à bas-côtés, d’un transept à bras débordants, d’un clocher central à bâtière et d’un chœur, moins élevé que la nef, à deux travées et chevet plat. Elle a été entièrement édifiée au XIIe siècle, hormis les deux chapelles nord et sud, ainsi que le clocher, ajoutés au XIIIe siècle. Chaque élément de cet édifice participe à son unité architecturale dont il souligne l’esthétisme.
La qualité architecturale et l’organisation interne du logis laissent à penser qu’il s’agit de la résidence du Maître de la maladrerie, voire d’un bâtiment à vocation communautaire donc réservé aux frères. D’après les analyses dendrochronologiques menées sur le site, le logis date de 1270-1271 et la grange de 1219-1220. Cette dernière, qui a conservé sa charpente d’origine, est divisée en trois nefs que séparent deux rangs de neuf grandes arcades en tiers-point reposant sur des piles carrées. Fonctionnelle et esthétique, elle s’apparente aux granges monastiques de l’époque.
D’autres bâtiments ont été construits sur le site dont la bergerie qui présente le même appareillage que la grange. La maison de l’administrateur fut probablement édifiée à la fin du XIIe siècle comme l’atteste son cellier. A part d’anciennes portes et baies encore visibles dans les murs des façades nord et ouest, il ne reste pratiquement plus rien de la construction d’origine profondément remaniée à la fin du XIXe siècle. La maison du fermier date de la seconde moitié du XIXe siècle et abrite aujourd’hui les services administratifs du site de la maladrerie. Bon nombre de constructions ont disparu mais les interventions archéologiques menées sur les lieux ont permis d’en retrouver les traces.
Un jardin d’inspiration médiévale
Afin de mettre en valeur de manière spécifique le site, une attention particulière a été portée aux abords des bâtiments de la Maladrerie Saint-Lazare. Aussi, un jardin a été imaginé par le service des Parcs et Jardins. Ce jardin, bien que d’inspiration médiévale, est une création résolument contemporaine qui s’appuie sur des problématiques actuelles telles que le développement durable ou l’impact de l’alimentation sur la santé. Les éléments constitutifs de ce jardin nous rappellent également qu’une communauté religieuse occupait autrefois ce site. Lieu propice à la détente ou à la méditation, il invite à la flânerie comme à la découverte en offrant au visiteur un aperçu des différents types de jardins ou de cultures.
(Texte de Valérie Fémolant )
Repères chronologiques
XIIe siècle : construction de l’église
Fin XIIe siècle : construction de la maison de l’administrateur, remaniée à la fin du XIXe siècle
XIIIe siècle : adjonction à l’église des chapelles et du clocher
1219-1220 : construction de la grange
1270-1271 : construction du logis
Milieu XVIIe siècle : agrandissement de la cour de la « léproserie » et construction de nouveaux bâtiments qui auraient accueilli des pestiférés
1795 : la maladrerie est divisée en trois lots qui sont vendus comme Biens Nationaux
XIXe siècle : construction de la maison du fermier
1895 : démolition du pressoir
1914-1918 : la maladrerie sert de cantonnement à différents régiments
1939 : effondrement d’une partie du clocher ; classement des bâtiments comme « Monuments Historiques »
1971-1985 : restauration de la toiture de la grange puis de la chapelle
1989 : inscription à l’Inventaire des Monuments Historiques des murs d’enceinte et de ses portes, de la bergerie, etc. afin de protéger l’ensemble du site
1997-1999 : restauration d’une partie des murs de clôture
2002 : la Ville de Beauvais devient propriétaire de l’intégralité du site
2002-2003 : intervention archéologique sur l’emprise de la ferme
2005 : transfert du site à la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis qui gère désormais le projet
2007 : travaux de restauration de l’emprise de la ferme (grange, maison du fermier du XIXe siècle, bergerie, murs de clôture) et fouilles archéologiques
Le Blog est en congé jusqu'à lundi. Bon week-end à tous.
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