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Karlfried Graf Dürckheim : Au delà du nom
Ce qui m'a surpris pendant mon séjour au Japon, c'est la présence du divin dans tout ce que vous rencontrez. Dans le shintoïsme, tout est Kami, tout est dieu. Il y a une divinité pour chaque arbre. Au point que l'on découpe le toit d'un temple pour ne pas déranger la croissance de l'arbre. Il y a même une divinité pour le petit coin... !
Mais n'est-ce pas vrai pour nous aussi ? C'est notre façon de toucher un morceau de bois qui en fait l'expression du divin. Il suffit de donner le temps à la vie qui anime toutes choses de se faire sentir.
Nous passons trop vite à côté d'une fleur, à côté d'un arbre. Oh, la belle fleur !... oh, le bel arbre !... et déjà nous avons repris notre promenade ! Il nous faut éveiller le don de demeurer, de rester dans une situation où nous sentons, nous entendons, nous voyons.
Par exemple, vous êtes à la campagne : au loin est une forêt, proche de vous une ferme, un paysan. Ce qui est curieux, c'est que nous avons un nom pour tout ce que nous voyons ! Imaginez-vous la situation dans laquelle vous n'avez pas un nom pour tout ce que vous voyez. Ce qui est la situation de chaque enfant. Que se passe-t-il si vous n'avez pas de concept ? C'est assez effrayant d'imaginer cette situation.
Imaginez un Hollandais qui va à la montagne pour la première fois de sa vie. Au détour d'un chemin, le voilà face à trois immenses choses. Il est tout à la fois émerveillé et craintif. Arrive le guide qui dit : « Ça, c'est la Jungfrau ; ça, c'est le Münch et ça, c'est l'Eigger. » Avec chaque nom prononcé, cette entité immense semble reculer et le fait d'avoir un nom pour ces êtres enlève une grande part de l'émerveillement et de la peur. Mais en même temps s'efface le mystère présent dans ce que nous rencontrons.
Imaginez pour un instant qu'étant dans une forêt vous n'ayez plus de noms pour ce que vos yeux rencontrent, pour ce que vos oreilles entendent, pour ce que sent votre peau. Qu'est-ce que vous rencontrez ? Qu'est-ce que c'est ça ? Ce n'est pas un ça, puisque vous n'avez pas de concept à votre disposition, mais vous rencontrez une vie extraordinaire qui vous fait frissonner. Et dans ce frisson c'est vous-même que vous rencontrez d'une façon extraordinaire. Étant ainsi en vous-même dans un sens très profond et en deçà ou au-delà de tout concept, c'est le divin que vous rencontrez. C'est dans cette solitude, dans ce silence par rapport aux concepts que le divin, qui toujours nous cherche, nous trouve ! Chaque méditation est l'effort d'entrer dans cette solitude, dans ce silence.
Dans la notion de solitude, il faut voir deux choses : ce côté de l'être humain qui cherche le dialogue. C'est, d'une façon très naturelle, la recherche de l'autre en face duquel je me sens en sécurité. Face à l'autre je me sens bien, et pour un moment un peu plus moi-même; cet autre côté où il n'y a pas l'autre en tant que vis-à- vis, mais une présence intérieure.
Karlfried Durckheim, "Le centre de l'être" (propos recueillis par Jacques Castermane)
2 commentaires :
Merci Michel pour ce beau texte .
Bises. (^_^)
J'ai partagé la fin du texte en l'associant à une de mes peintures sur FB ... merci à toi .
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