mardi 23 décembre 2014

Réveiller la princesse endormie (E.J.Gold)(2)






Car la femme sait intuitivement comment donner à un homme toute son attention et toute son adoration. Elle sait instinctivement s'adapter à la moindre de ses humeurs, au moindre de ses états d'âme, afin d'être toujours là, afin d'être toujours avec lui. Elle connaît, à chaque instant, ce dont il a besoin, ses moindres désirs, car elle sait lire son coeur à livre ouvert comme lui- même ne saurait le faire.
Elle connaît le sens de chacun de ses gestes, de cha­cune de ses postures, de chacune de ses intonations, de chacun de ses soupirs ou expressions, elle peut donc le suivre dans la moindre de ses émotions et être ainsi toujours là, à ses côtés.
L'homme, pour sa part, reste la plupart du temps totalement incapable de percevoir les changements d'humeur ou d'attitude d'une femme. Il ne sait pas comment lire ou interpréter les signaux que lui adresse une femme et n'en a d'ailleurs, il faut bien le dire, généralement rien à faire ; car selon lui, c'est à la femme de faire attention à lui et non le contraire.
Mais s'il désire que l'initiation réciproque soit pos­sible, il lui faudra apprendre, à tout instant, à être attentif à la femme et la suivre dans la moindre de ses humeurs : si elle ferme les yeux, il doit fermer les yeux, si elle est heureuse, il doit être heureux et si elle est triste, il doit aussi être triste. Il doit la suivre, pas à pas, dans la moindre de ses émotions afin d'être tou­jours, où qu'elle aille, à ses côtés.
Il doit lui abandonner son moindre souffle, son moindre battement de coeur, sa moindre pensée, se fondre en elle, et ne faisant plus qu'un avec elle, bou­ger, respirer, penser, sentir, ressentir instinctivement en elle. Il doit apprendre à la connaître dans ses moindres secrets et, s'il le faut, la suivre jusqu'au bout du monde, lui disant à chaque instant : « Où tu iras, j'irai. » Tant que l'homme ne saura pas renoncer à sa soi- disant liberté, il demeurera condamné à errer sans fin au gré de ses désirs. Que ne peut-il, ne serait-ce qu'un instant, concentrer son attention et savoir s'abandon­ner comme le fait une femme ?
Un homme doit ainsi ultimement, pour assumer son rôle fondamental, apprendre auprès d'une femme à devenir, lui-même, une femme, tout en prenant garde de ne pas perdre l'esprit, tandis qu'abandonnant l'iden­tification à son sexe, il découvre ce qu'est véritable­ment une femme.
Si une femme veut être véritablement comblée, elle doit donc trouver l'homme idéal, un homme qui soit prêt à tout abandonner pour s'aventurer avec elle dans les profondeurs insondables d'une relation totale, afin d'y découvrir les secrets qui se dissimulent au plus pro­fond d'elle-même. Un tel homme porte le nom d'alchi­miste.
La situation de la femme est désespérée car elle doit, sous peine d'effrayer l'homme ou de blesser sa fragile vanité, garder le silence et l'attendre, sous le couvert d'une apparente passivité qui n'est en fait qu'une infi­nie patience.
Elle ne pourra véritablement se dévoiler que lorsque l'homme, ayant trouvé son chemin dans le labyrinthe du monde, l'aura enfin rejointe dans sa chambre secrète. Les épreuves qu'il aura affrontées auront alors détruit en lui la plus grande partie de ce qu'il croyait être en tant qu'homme et, ayant abandonné sa fière supériorité masculine, il sera enfin prêt à accepter le fait que rien de réel ne peut se passer hors d'elle. Alors seulement pourra débuter le véritable Travail.



Ainsi, si nous comparons la machine biologique humaine à la femme, la seule et véritable initiatrice, nous comprenons pourquoi il nous faut placer sur elle, pour ne jamais l'en détacher, toute notre attention qui, jusque-là, errait de par le monde. Alors, comme la prin­cesse endormie qui s'éveille lentement sous le regard de totale adoration du prince charmant, la machine en fera autant.
Mais l'être essentiel ne sait rien de cela et, laissé à lui-même, se contente d'attendre patiemment, stupide­ment passif et inactif, que quelque chose se produise.
C'est donc à la machine de fournir la motivation qui permettra le Travail. Car elle seule, malgré son désir de rester endormie, comprend le sens véritable du tra­vail et, pour cette raison, n'a d'autre désir que de s'y consacrer.
Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est la machine, et la machine seule, qui cherche à entrer dans une école. L'être essentiel est, quant à lui, bien trop alangui et indifférent pour se préoccuper de telles choses.
En étudiant le comportement de la machine dans la vie ordinaire, nous nous apercevrons rapidement que toutes les bizarreries dont la machine fait preuve ne sont que la manifestation de sa colère et de sa frustra­tion.
Et si elle s'abandonne ainsi à toutes sortes d'activités futiles, c'est tout simplement que nous ne lui donnons jamais de véritables occasions d'assumer ses fonctions réelles.
Si, au cours du processus transformationnel, la machine subit, elle aussi, toute une série de transfor­mations, nous ne devons, en aucun cas, essayer d'inter­férer dans son fonctionnement, ni de créer artificielle­ment quelque transformation que ce soit, sous peine de voir s'inverser, de façon irrémédiable, tout le processus transformationnel.
Car si nous essayons, tant soit peu, de « bricoler » la machine, nous ne risquons en fait que de l'endomma­ger, la privant ainsi de toutes, ou d'une partie de ses fonctions transformationnelles. C'est pourquoi il ne faut, dès la phase préliminaire d'observation de la machine, ni critiquer ni juger la machine en quoi que ce soit. Nous devons nous contenter d'être, dans notre observation, aussi détachés et impartiaux que possible.
Nous ne cherchons en rien à modifier la machine, car toute transformation artificielle ne risquerait que de l'endommager en tant qu'appareil de transformation. En essayant de travailler directement sur la machine, nous ne pouvons, en jouant avec des facteurs auxquels nous ne connaissons objectivement rien, que retarder, voire rendre impossible, toute transformation : un tra­vail véritable est, en cela, tout le contraire du dévelop­pement personnel.
La relation existant entre l'être essentiel et la machine est, au début du travail, à la fois distante et tendue : la seule volonté que l'être essentiel puisse imposer à la machine est la volonté d'attention, et celle-ci est faible et soumise à toutes les distractions que crée l'identification de l'être essentiel au sommeil de la machine.
Nous n'apprenons, dans le cours de la vie ordinaire, qu'à prendre l'attention et non à la donner. Nous nous faisons certaines idées sur nous-mêmes que nous nous mettons, avec le temps, à croire dur comme fer. Et si notre machine ne se conforme pas à l'idée que nous avons de nous-mêmes, nous n'avons d'autre solution, nous mentant, que de réduire encore le champ de notre attention afin de pouvoir ignorer ce que nous ne pou­vons accepter.
Mais nous n'avons malheureusement pas de temps, ni de vie à perdre, car nos jours sont comptés. Nous devons donc au plus tôt, et avant toute transformation, apprendre à aiguiser notre attention afin d'étudier le processus de transformation et les moyens d'éveiller la machine.



Nous devons pour cela trouver le moyen de concen­trer notre attention et de développer la volonté néces­saire pour placer, sans faillir, notre attention sur la machine, afin de l'éveiller.
Mais nous n'avons pas naturellement, une volonté suffisante pour placer ainsi de façon constante sur la machine, une attention qui soit suffisamment concen­trée pour pouvoir obtenir quelque résultat que ce soit.
Il nous faut donc aussi développer l'intensité de notre attention en utilisant une source d'énergie extérieure à laquelle nous pourrons emprunter la volonté supplé­mentaire dont nous avons besoin pour concentrer toute notre attention sur la machine.
Cette source d'énergie qui nous fournit la force néces­saire pour fixer notre attention sur la machine, est appelée l'adoration.
L'adoration est de nature émotionnelle mais ne trouve pas son origine dans la machine : c'est une émo­tion supérieure qui ne peut être éprouvée que par l'être essentiel.
Son activation nécessite cependant le fonctionnement opérationnel du centre émotionnel de la machine : celui-ci est malheureusement généralement inactif dans la vie ordinaire et ce que nous prenons pour de sincères émotions ne sont en fait que des réverbéra­tions mécaniques provenant de notre centre mental.
Nous devons donc, avant d'éveiller la machine, éveiller le centre émotionnel qui est, chez la plupart des humains, totalement inactif.
Nous croyons, à tort, que l'être essentiel, par essence « spirituel », possède des pouvoirs extraordinaires et est capable de nombreux miracles. Mais le fait est que l'être essentiel, à l'état ordinaire, est des plus limités. Il n'est en fait capable que de deux choses : la présence et la volonté d'attention.
Ce n'est donc qu'en mettant un terme à l'incessant vagabondage de notre attention, ainsi qu'à notre propre laisser-aller vis-à-vis de notre possible évolu­tion, que nous pouvons espérer apprendre à utiliser la machine comme appareil de transformation.
En concentrant, sans faillir, notre attention sur cha­cun des mouvements de la machine et en multipliant la puissance de notre attention par la force émotion­nelle de notre adoration, nous pourrons développer une véritable relation d'intimité et de travail avec la machine.
Mais nous ne devons pas nous contenter d'observer chacun de ses mouvements, nous devons aussi observer chacune de ses émotions, chacune de ses pensées, cha­cun de ses désirs, chacune de ses humeurs, chacun de ses défauts et chacune de ses qualités, tout ce que nous apprécions en elle, comme tout ce que nous préfère­rions ignorer.
Mais comment pourrions-nous ainsi observer la machine dans ses moindres détails si nous n'avions pour elle les yeux d'un amant ? Comment pourrions- nous ne pas détacher nos yeux d'elle si nous n'avions pour elle un regard empli d'amour, de fascination et de ravissement ?
Nous devons donc fixer notre regard sur la machine comme un amant qui, fixant son regard sur sa bien- aimée, n'ose la quitter des yeux de peur de la voir dis­paraître à jamais. Mais nous devons cependant aussi savoir reconnaître, afin de nous en détacher, ce qui, en elle, n'est que paresse et réticence au travail.
Si nous comprenons comment seule une totale adora­tion peut éveiller la princesse endormie, nous saurons alors comment seule notre attention, enflammée par notre adoration, peut éveiller la machine.
Car l'attention n'est que mentale et doit donc, pour atteindre sa pleine puissance, être nourrie du feu de l'adoration de l'être essentiel.
Lorsque nous parlons ici d'adoration, celle-ci ne doit bien sûr pas être interprétée dans le sens de cette ado­ration romantique et stupide des romans à l'eau de rose, mais comme cette émotion profonde et envelop­pante que le prince charmant ressent pour sa bien- aimée.
Certaines écoles utilisent parfois, pour décrire cette méthode permettant d'éveiller la machine, l'analogie du vent et de l'eau qui par leur lente mais inexorable action viennent à bout des plus dures roches, comme l'adoration de l'être essentiel vient à bout des plus fortes résistances de la machine.
Mais la plupart de ces analogies, comme cela est trop souvent le cas avec les méthodes et techniques de nom­breux enseignements, ont été dénaturées ou perverties et, ayant perdu leur sens originel, ne sont plus à même de remplir la fonction pour laquelle elles ont été créées.



L'une de ces techniques est celle qui concerne, dans le bouddhisme tibétain, l'usage d'un bol en tant que cloche. Cette cloche est traditionnellement appelée cloche du Dharma, ou cloche des enseignements.
Il est important de noter qu'il s'agit là de la cloche du Dharma, des enseignements, et non de celle de la San­gha, de la communauté, ou de celle du Bouddha, du maître, car la technique utilisée n'a d'autre but que d'expliquer, dans ses moindres détails et avec une extrême précision, la méthode permettant l'éveil et la transformation.
On crée, en frottant régulièrement le bord du bol, une vibration qui, peu à peu, par résonance, atteint sa pleine amplitude. Mais, pour que la vibration se main­tienne, il ne faut, à aucun instant, cesser de frotter régulièrement le bord du bol.
Car si nous avons ne serait-ce qu'un moment d'inat­tention ou d'hésitation, la régularité de notre frotte­ment étant quelque peu perturbée, le son de la cloche est immédiatement interrompu. Nous n'avons alors d'autre solution que de recommencer tout notre travail à zéro. Nous devons donc pratiquer cet exercice jusqu'à ce que nous soyons capables de créer la vibration et de la maintenir indéfiniment.
Si nous perdons, ne serait-ce qu'un instant, notre attention et faisons cesser la vibration, nous devons alors lentement laisser le bol retrouver son état initial de parfaite immobilité, avant de recommencer le tra­vail qui nous permettra à nouveau de créer et de main­tenir la vibration. Il est aussi difficile de faire vibrer un bol que d'éveiller une femme, et l'un comme l'autre nécessitent une patience et une délicatesse infinies.
Une autre technique permettant de développer les qualités nécessaires pour éveiller la machine, est celle de la Shakuhachi japonaise. La Shakuhachi est une flûte qui peut être confectionnée en bambou, en bois de rose, en érable, en acajou, voire en plastique.
La plus facile à maîtriser est bien sûr celle en plas­tique qui peut servir à jouer de la musique ordinaire ; mais la véritable Shakuhachi requiert un apprentis­sage et une maîtrise approfondie.
La Shakuhachi d'origine, utilisée pour l'enseigne­ment, est faite de bambou avec un embout confectionné d'une racine, car une telle flûte nécessite, pour pro­duire une note profonde et mélodieuse, que le souffle atteigne la perfection dénuée d'effort et l'attention sans états d'âme, qui ne sont autres que ce que nous appe­lons la pure présence et la totale attention engendrées par le feu de l'émotion supérieure de l'adoration.
La Shakuhachi nous apprend ainsi à offrir à la flûte une dernière et parfaite respiration, comme un amant doit offrir à la mort, ultime bien-aimée, son dernier soupir.
Ces techniques nous donnent ainsi une idée de la qualité et du niveau supérieur de vibration que requiert l'éveil de la machine.
Elles nous montrent également que l'éveil de la machine nécessite une attention et une présence constantes, dont la force, à la fois douce et inexorable, doit être attisée par le souffle de l'adoration.
Nous apprenons ainsi des bols tibétains, comme de la flûte Shakuhachi, que la machine, si nous lui retirons, ne serait-ce qu'un instant, l'attention qui lui a donné vie, sombre irrémédiablement dans le sommeil, dans la mort.
Mais si nous sommes capables d'adorer consciem­ment la machine, elle répondra à notre adoration par une émotion supérieure qui, en retour, déclenchera en nous le processus de transformation.




6 commentaires :

Anonyme a dit…

bin je n'avais pas lu non plus la deuxième partie, et c'est vraiment bon de lire des mots qui expliquent mon ressenti si flou et désordonné, cela me permet vraiment de comprendre des choses sur lesquelles je butais. Merci beaucoup, cela m'est très précieux

Astrale a dit…

En somme, pas si compliqué que cela...:)

Anonyme a dit…

sourire

Chronophonix a dit…

Compliqué, non, en effet.
Ensuite, voir, ou sentir si quelque part en nous existe une telle exigence, une telle intensité, voilà où voudrait nous conduire ce texte...

Chronophonix a dit…

Coline, c'est une joie pour moi de savoir que ces mots ont pu t'aider sur ton chemin.

sevim a dit…

Merci Michel pour ce texte qui m'apporte beaucoup. J'ai entendu parler de E.J Gold par Lee Lozowick, et j'ai souvent été interpellé, me disant que j'aimerais lire un de ses livres...en voilà un avant goût passionnant. merci encore. Sylvie