mercredi 27 janvier 2010

La ruée vers les terres arables






En écho, et pour compléter cet article publié sur le blog de Lung Ta Zen, un texte extrait du dernier numéro de "Nouvelles Clés".



Les prix des matières premières agricoles flambent. Le spectre de la faim s'étend. Clé du désastre : la destruction généralisée des cultures vivrières et, maintenant, l'achat par des États ou des fonds privés de millions d'hectares de terres dans les pays pauvres pour assurer leur propre sécurité alimentaire.


L'actualité nous a habitués à la malnutrition chronique du Tiers Monde. Au milieu des années 1990, on la voyait pourtant reculer. Le nombre d'êtres humains sous-alimentés, après avoir frôlé le milliard en 1970, se stabilisait à 800 millions en 1995. Un an après, au Sommet mondial de l'alimentation, les dirigeants crurent pouvoir s'engager à réduire leur nombre de moitié avant 2015. « Ironie de l'histoire, loin de diminuer, ce nombre a progressé au tournant du siècle », écrit Frédéric Lemaître dans un essai affreusement clair, Demain la faim ! « De nos jours, résume-t-il, trois milliards de personnes se privent régulièrement de nourriture, environ 2 milliards souffrent de malnutrition et 1 milliard de la faim. En 2008, 9 millions en sont mortes. »

Les raisons de la crise

Hormis le réchauffement climatique, les raisons de cette faim qui touche désormais les villes et plus seulement les campagnes sont notamment la disparition de terres agricoles (sous le double impact de l'urbanisation et de la désertification) et le développement des cultures d'exportation (thé, café, cacao, tabac, arachide, coton, ananas, banane) au détriment des cultures vivrières. Les importations de céréales en Afrique ont ainsi été multipliées par cinq depuis 1965, tandis que la production locale était diviséepar deux. A cela s'ajoute la destruction des cultures alimentaires au profit des biocarburants - 5 % du blé, 10 % du maïs et du soja, 20 % du sucre produits dans le monde servent aujourd'hui à fabriquer de l'éthanol -, sans oublier la hausse mondiale de la consommation de viande, passée de 25 kilos annuels par personne en 1970 à 38 kilos à ce jour en moyenne (mais à 90 kilos dans les pays industrialisés). Du coup, les cultures sont détournées vers la production de viande... Tout le monde se souvient des « émeutes de la faim » qui ont secoué, en 2008, l'Égypte, le Maroc, l'Indonésie, les Philippines, Haïti ainsi que l'Afrique et le Mexique, suite à la hausse soudaine de 40 à 80 % du prix du blé, du maïs, du riz, du soja , du colza et de l'huile de palme, à la base de l'alimentation des pays pauvres. Hypnotisés par la crise économique, les pays riches ne se sont pas rendu compte qu'un phénomène encore plus insidieux était en train de se développer : l'accaparement des terres arables par des États ou des fonds privés pour assurer leur propre sécurité alimentaire.

Des millions d'hectares livrés aux OGM

Les pays convoités, souvent pauvres mais riches en terres, sont prêts à se vendre, par besoin d'argent. Du côté des demandeurs, la Libye investit en Ukraine, comme la banque Morgan Stanley. Les pays du Golfe vont en Afrique et en Asie. Le Japon se lance au Brésil. Goldman Sachs en Chine, tandis que cette dernière, à l'instar de la Corée du Sud, investit tous azimuts. Une nouvelle colo­nisation ? « Que des intérêts publics ou privés s'associent à des pays émergents pour exploiter ensemble une terre n'est pas condamnable en soi, écrit Frédéric Lemaître, à condition que les bénéfices soient partagés. Mais à croire les bribes d'informations qui circulent (la plupart des accords sont confidentiels), ce n'est pas le cas. »
En réalité, les petits paysans sont dépossédés de leurs terres, transformés au mieux en ouvriers agricoles, au pire jetés sur les routes. Sans parler des dégâts sur l'environnement, car les domaines acquis sont généralement déboisés et leurs propriétaires n'hésitent pas à recourir aux OGM et aux produits des pieuvres de l'agrobusiness tels Cargill ou Monsanto.
« La tendance mondiale à la hausse des prix alimentaires devrait se poursuivre », alerte le Fonds international pour le développement agricole (FIDA). Les dispositifs d'aide sont inadéquats ajoute l'ONU, qui se prépare au pire. « Une inquiétude majeure est la possibilité que l'ensemble du système d'aide alimentaire d'urgence soit incapable de faire face », prévient une note onusienne, rapportée par Le Monde. Elle recommande la mise sur pied de « plans d'urgence spécifiques pour répondre aux besoins des populations urbaines », jusque-là peu touchées par la malnutrition.


À lire : Demain la faim, Frédéric Lemaître, éditions Grasset. L'Empire de la honte, Jean Ziegler, LGF.


1 commentaires :

Frédéric Baylot a dit…

je mets un lien vers ton article

Merci
chaleureusement


frédéric ☻

(¯`·._.·[]·._.·´¯)
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