dimanche 14 janvier 2018

La douzième heure du mental







La 12ème heure du mental, par Jean Klein
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Pourquoi stimulez-vous le mental dans votre enseigne­ment s'il ne peut pas nous amener à nous connaître nous- mêmes?

Cela vous amène à questionner la vie. Cela vous aide à trouver la perspective. Vous ne pouvez stopper les capacités intellectuelles une fois qu'elles ont été mises en mouvement. Elles doivent parvenir à une conclusion naturelle. Le mental doit arriver à cette représentation qu'il n'est qu'une simple fonction. C'est cela la clarté du mental. Jusqu'à ce que l'intellect voie clairement ses limites il doit s'explorer. Si nous ne pouvons pas trouver quelque chose de précieux, nous ne serons pas satisfaits tant que nous n'aurons pas regardé sous chaque pierre. Mais vient un moment dans la vie où, alors que chaque pierre a été retournée, nous n'avons toujours pas trouvé ce que nous cherchons.
Nous sommes alors amenés à un arrêt. Le dyna­misme de la recherche est stoppé. Cette tranquillité n'a rien à voir avec le mental. C'est l'arène de la connais­sance en tant qu'être sans objets. C'est le support de toute activité et non-activité.
Connaissez-vous l'histoire que raconte le saint soufi Mulla Nasruddin ? Je l'adapte un peu à chaque nouvel enseignement.

Mulla traversait une rue de son village lorsqu'un homme s'approcha de lui disant : « Sais-tu que ta femme te trompe ? » Mulla répliqua vivement : « C'est impossible. Ma femme ne me serait jamais infidèle. » L'homme répondit : « Je peux te le prouver. A minuit cette nuit, elle a un rendez-vous avec son amant sous le figuier au bout du village. » Mulla était bouleversé et, anticipant un duel avec l'amant de sa femme, alla chercher un pistolet. Toute la journée il s'entraîna et pensa au combat, et, à onze heures du soir, il se rendit au figuier dans un terrible état d'esprit. Il grimpa à l'arbre et, étant un homme très passionné, bondit de branche en branche dans une frénésie de jalousie et de colère. Il s'imaginait sa femme dans les bras de son amant et testa le coup qu'il allait assener à son rival, de tous les angles possibles.

A minuit moins dix, il écouta attentivement mais ne put rien entendre encore. A minuit moins cinq il était dans un état d'agitation et d'attente insupportable. A minuit moins trois il n'y avait encore aucun signe d'eux et chaque nerf de son corps était tendu. A minuit il était aussi immobile qu'un tigre sur le point de se jeter sur sa proie. Mais il ne se passait toujours rien sous l'arbre.
Alors il fut soudain frappé dans tout son être par une sidérante intuition : « Je suis célibataire ! »



C'est une histoire extraordinaire! Il semble qu'il ait été littéralement hors de son esprit, au-delà du mental. Mais qu'était son état mental lorsque l'intuition le frappa? Peut-être que si je comprends cela je n'aurai pas à aller jusqu'où alla Mulla !

Jusqu'à minuit il était concentré sur l'objet, la représentation de la scène. Puis vint un moment où le mental ne trouva plus de prise et la représentation disparut. Il n'était plus dans le mental. La situation extérieure n'alimentait plus d'activité à venir. Le mental doit parvenir à l'épuisement. Lorsqu'il abandonne! nous sommes pris par notre nature réelle. Mais la douzième heure du mental peut survenir à n'importe quel moment.
(Jean Klein : "Qui suis-je - La quête sacrée")