mercredi 7 septembre 2016

Un morceau d'espace










Petite variation céleste sur un texte d'Alfred Korzybski.


Dans la vie, de même que dans le domaine scientifique, nous avons affaire à différents événements, à des objets, à des bouts de matériaux petits ou grands. Nous avons l'habitude d'en parler en termes de matière. Grâce à un dérangement séman­tique, appelé identification, nous nous imaginons qu'il existe une matière ayant une existence physique séparée. Ce serait probablement pour nous un choc si quelqu'un nous invitait à donner un morceau de matière (je dis bien donner et non pas répandre un flot de paroles sur le sujet). J'ai fait sur ce point les expériences les plus amusantes. La plupart des gens, même des hommes de science, vous tendent dans ce cas un crayon ou quelque chose de semblable. Mais ont-ils donné réellement de la matière ? Ce qu'ils ont donné ne peut pas être simplement symbolisé par le terme matière. L'objet, le crayon, qu'ils ont tendu, a besoin linguistiquement de l'espace; sinon, ce ne serait pas un crayon, mais un point mathématique, une fiction. Il a aussi besoin verbalement du temps; sinon, il n'y aurait pas de crayon mais un «éclair».




De même, si quelqu'un est invité à donner un morceau d'espace (de nouveau : donner et non pas se mettre à parler), le mieux qu'il puisse faire est d'agiter sa main et d'essayer de montrer l'espace. Mais ce geste de la main se réfère en réalité à l'air, à la poussière, aux microbes, aux champs de gravitation et électro-magnétiques, etc. En d'autres termes, structurellement, l'espace supposé est une plénitude de cer­tains matériaux déjà dans l'espace et dans le temps.




Dans le cas de donner du temps, quelqu'un peut montrer sa montre. Mais ici vaut une objection semblable à celle de tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il nous a montré de la soi-disant matière qui bouge dans l'espace. Il est très important d'acquérir la réaction sémantique que, quand nous utilisons le terme matière en pensant à quelque chose, un crayon, par exemple, cette chose, selon le langage élémentaliste habituel, implique aussi l'espace et le temps auxquels habituelle­ment nous ne songeons pas... (la même chose vaut pour le temps et l'espace).






1 commentaires :

Oliver a dit…

Bonjour Chronophonix,

La matière, l'espace et le temps sont bien différents des mots et des concepts qui leur sont associés. Du reste, leur existence est dans notre conscience pure. Celle-ci est infinie dans sa compréhension de la matière, mais nous sommes bien incapable de mettre des mots sur cet infini.