mardi 10 mars 2020

Michaux - Magritte : Les travaux d'Alexandre




René Magritte : "Les travaux d'Alexandre"


Dans la clairière, près de l'arbre qui gît abattu, la partie du tronc demeurée en terre s'est emparée de la cognée du bûcheron. Une des noueuses racines, ou plutôt un des bas contre­forts ligneux, a dû lentement bouger et, comme une patte d'ours, s'est posée sur l'outil du meurtre, le main­tient, et ne le rendra plus. Enfin une justice. Une égalité. Une nouvelle re­vendication.
Un nouveau malaise pour les hommes.
Combien de temps aura-t-il fallu à la souche pour s'emparer de l'arme de l'assassin, pour l'immobiliser, empê­chant qu'à nouveau elle fasse le mal ? Maintenant le geste infiniment lent est accompli. A terre, maintenue souve­rainement par une « patte d'arbre », patte qui, au contraire de celles des animaux, une fois posée, ne se relève plus, et ne connaît pas la fatigue, la cognée meurtrière ne pourra plus être dégagée.
Fascinant spectacle. Réponse d'un être qui n'a pu répondre assez vite, qui jamais ne put répondre à temps. Au nom des silencieux la souche de l'arbre abattu donne la réponse tardive.
Depuis un temps immémorial, des millions d'arbres par la cognée ou par la pré-historique hache de pierre ont été abattus sans un mouve­ment de résistance, sans jamais une protestation. Voici un commencement qui peut faire réfléchir. De nouveaux résistants. Que restera-t-il de la royauté sur la « création » ? L'inquiétude hu­maine va connaître une nouvelle di­mension.

Henri Michaux, extrait de "En rêvant à partir de peintures énigmatiques".






1 commentaires :

Lilou a dit…

Lentement, je les entend trembler
Lorque l'un des leurs tombe à leur côtés.

Lentement,leur tête coupée tente parfois de repousser.

Lentement nait à leurs pieds ceux qui vont les remplacer .

Lentement, ils abattent les murs, colonisent les ruines, de ceux qui croyaient les posséder .

La vie passe là où on ne l'attend pas et enlace celui qui lui tend les bras.