jeudi 24 décembre 2020

Sœur Marie Keyrouz et l'Ensemble de la Paix






Aller sur le site de Soeur Marie Keyrouz


Kathisme de l'office de la nativité









«Plus nous apprenons comment toucher la réalité de notre être par le beau et le sacré, plus nous offrons à notre humain, le privilège de vivre le spirituel infini qui nous habite et qui est à l'origine de toute chose.» (Sœur Marie Keyrouz)






mardi 1 décembre 2020

«Chacun vit dans son monde» : l'inconscient, par R.D.Laing







Extrait de «Soi et les autres» de R.D.Laing











R.D.Laing : Soi et les autres




Ronald D. Laing fut un grand explorateur de la psyché humaine et des méandres inimaginables que peut suivre le mental ordinaire pour survivre, quitte à plonger la personne dans l'aliénation la plus insidieuse sans même qu'elle s'en rende compte. Voici un tout petit extrait de l'ouvrage «Soi et les autres», plus édité, mais disponible çà et là en livre d'occasion.


Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d'un pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la com­mande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d'imi­ter dans sa démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule, en le mettant dans un équilibre perpétuellement instable et perpétuellement rompu, qu'il rétablit perpétuellement d'un mouvement léger du bras et de la main. Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s'ap­plique à enchaîner ses mouvements comme s'ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres, sa mimique et sa voix même semblent des mécanismes ; il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue, il s'amuse. Mais à quoi donc joue-t-il ? Il ne faut pas l'obser­ver longtemps pour s'en rendre compte : il joue à être gar­çon de café.
(Jean-Paul Sartre, 1943, p. 98-99.)


Dans la chambre de cet enfant de trois ans, il y a quatre chaises. Quand il est assis sur la première, il est un explo­rateur, remontant, de nuit, l'Amazone. Sur la seconde, il est un lion et terrifie sa bonne en rugissant ; sur la troi­sième, il est un capitaine à la barre de son vaisseau. Mais sur la quatrième, une haute chaise de bébé, il essaie de faire semblant d'être simplement lui-même, rien qu'un petit gar­çon .
(A.A.Milne, cité par Anna Freud)


Si, ou quand « il » arrive à faire semblant d'être « simplement » lui-même, un masque sera devenu son visage et lui-même pensera que chaque fois qu'il agit comme s'il n'était pas « rien qu'un petit garçon », il fait semblant de n'être pas simplement lui-même. A mon sens, la plupart des enfants de trois ans, encou­ragés par leurs parents, encouragés par des autorités comme Anna Freud, sont en bonne voie de réussir à faire semblant de n'être que des petits garçons et des petites filles. C'est vers ce moment-là que l'enfant, renonçant à ses extases, oublie qu'il fait semblant de n'être rien qu'un petit garçon. Il devient rien qu'un petit garçon. Mais pas plus il n'est simplement lui- même parce qu'il n'est, à présent, rien qu'un petit garçon, que l'homme dont nous parlions n'est sim­plement lui-même parce qu'il est un garçon de café. « Rien qu'un petit garçon », voilà ce que de nom­breuses autorités en matière d'enfants pensent qu'est un être humain âgé de trois ans.
Soixante ans plus tard, celui qui avait cru n'être « rien qu'un petit garçon » qui devait apprendre ceci et cela afin de devenir « un homme », et qui s'était bourré la cervelle de toutes les autres choses que les hommes racontent aux petits garçons, étant devenu un homme, commence à devenir un vieil homme. Mais tout à coup il se rappelle que tout cela n'a été qu'un jeu. Il a joué à être un petit garçon, puis à être un homme, et maintenant le voici en train de jouer à être un « petit vieux ». Sa femme et ses enfants com­mencent à se faire bien du souci. Un psychanalyste, ami de la famille, explique qu'un déni hypomaniaque de la mort (il a subi l'influence de l'existentialisme) n'est pas rare chez certaines personnes ayant parti­culièrement « réussi dans la vie » ; c'est un retour au sentiment infantile de toute-puissance. On arrivera sans doute à « limiter les dégâts » en le socialisant dans un groupe religieux. Ce serait peut-être une bonne idée d'inviter le pasteur à dîner. Nous ferions bien de surveiller ses placements d'argent, on ne sait jamais...
Il essaie de faire semblant d'être simplement lui‑même, « rien qu'un petit garçon ». Mais il n'y arrive pas tout à fait. Un enfant de trois ans qui essaie, mais sans y parvenir, de faire comme s'il n'était « rien qu'un petit garçon », s'attire des ennuis. Il se peut qu'on le fasse psychanalyser, si ses parents peuvent se le permettre. Malheur à l'homme de soixante-trois ans, si lui est incapable de faire comme s'il n'était « rien qu'un petit vieux ».
Si l'on n'arrive pas, dans son enfance, à jouer à n'être pas en train de jouer quand on joue à être « simplement soi-même », très vite les gens s'inquié­teront à l'idée que le sentiment infantile de toute-puissance dure beaucoup trop longtemps. Et si, soixante ans plus tard, on découvre soudain à quel point on a été intelligent de faire si bien semblant qu'on a même oublié qu'on a fait semblant durant toutes ces années, on se rend fort bien compte que les gens pensent qu'on devient légèrement sénile.
Essaiera-t-on à nouveau de faire semblant, cette fois de n'être « rien qu'un petit vieux »?
(Ronald D. Laing, «Soi et les autres»)







dimanche 8 novembre 2020

Tomber les peaux











Silence.
La nudité du silence.
L’Indicible se tait.
Se goûte nu de soi.
La langue le trahit,
Le mot le pointe
Mais le déforme.
La focale le limite
La perspective le tronque
La métaphore l’habille
Et le masque;
Le symbole le voile,
Et le mystère mystifié
Du mythe ment.
Pas de mots.
Rien de tout ça ne se parle
Rien de tout ça ne se pense.
Qui donc les aurait ?
Un doigt pointe la lune
Illuminé et pathétique.
Nécessaire et inutile.
Incontournable et trompeur
Si il ne touche au coeur
De l’intime résonance
D’une profonde harmonique.
Mais Ohhhhh…Douleur !
Comme l’oubli tombe vite
Qui obscurcit cette grandeur
Dés lors que je dis « moi »
A toute cette épaisseur…




......Alors?
Tomber les peaux,
L’une après l’autre.
Tous les savoirs
Présomptueux.
Tous ces « pourquoi »
Dont on est sûr !
Tous ces « comment »
Si indûment
Affirmatifs !
Tous les je sais ,
Les je crois ;
Les c’est ici !
Les c’est par là !
Les il faut
Les je veux ,
Les tu dois .
Les c’est moi
Les c’est toi …
Tout ce qu’on a appris.
Tout ce qu’on croit connaître.
Tout ce qu’on a été
Et tout ce qu’on croit être !
Retrouver la « Mémoire »,
Laisser grandir le feu
Au bois du Cœur de soi
Au creux de l'humus de l'étant
Jusqu’au dévoilement,
A la métamorphose :
A l’évidence de « Cela »
Au cœur de CELA….
Maintenant
(Texte et voix : Nadia Charandak / Piano : Michel Tardieu)





samedi 31 octobre 2020

Houria Aïchi : «Atsaligh»







Chanteuse chaouie, née en plein cœur des Aurès (région montagneuse de l'Algérie), Houria Aïchi travaille depuis des années sur le patrimoine musical algérien. Patiemment, elle en collecte les derniers vestiges dans les villages oubliés et les interprète en tentant de rester aussi fidèle que possible à la tradition. 

Extrait de "Chants Sacrés d'Algérie" : "Atsaligh" (Que la prière divine soit sur le Prophète)







mardi 13 octobre 2020

Swat Valley (Pakistan) : Malam Jabba







La station de ski «Malam Jabba» située dans les hauteurs de la vallée de Swat, au Pakistan, fut construite à l'initiative du gouvernement pakistanais avec l'aide des Autrichiens. Son point culminant est à 2800m d'altitude. Les premières photos ci-dessous datent de mai 2004, lors de la tournée musicale que j'ai eu l'occasion de faire pour l'alliance française du Pakistan, avec ma grande amie chanteuse, Zaniboni. Les images de la station enneigée ont été trouvées sur le net, ainsi que toutes les autres vues de l'état actuel du lieu.
En 2008, les talibans prirent le contrôle de la région et détruisirent l'hôtel ainsi que le télésiège. L'ensemble de la station n'avait pas été restauré jusqu'en 2014, mais le site avait néanmoins repris son activité, les skieurs montant à pied ou utilisant un télésiège assez rustique, et beaucoup plus court.


Photos de mai 2004








Images trouvées sur le net

La station enneigée (avant 2008)




Après 2008





Depuis, les activités ont néanmoins repris...




 

A partir de 2014, la restauration de la station a été entreprise
et finalisée en 2017.
Voir ici : Malam Jabba


 


 

 

jeudi 8 octobre 2020

FAQ : Qu'est-ce que «croire ses pensées» ?






Tout d'abord, je pose un axiome de base : je considère comme réel ce qui apparait maintenant à ma conscience en mode perceptif direct.

Premier exemple : je roule en voiture, et la route traverse une forêt. Tout à coup, apparait au loin un gros obstacle en travers de la route, que j'analyse instantanément comme étant un arbre qui est tombé, barrant la dite route sur toute sa largeur. Que se passe-t-il ? Je freine, bien sûr, pour m'arrêter avant que la voiture ne percute l'obstacle. Un ensemble de processus mentaux inconscients s'est déroulé à toute allure, aboutissant probablement à une pensée du genre «la voiture ne peut franchir cet obstacle», cette pensée elle-même n'étant pas formulée en mots, mais transmise directement au système neuro-musculaire qui actionne la pression sur la pédale de frein.  La voiture s'arrête, fin de l'histoire.

L'ensemble de ce processus est parfaitement adapté à la situation et il n'y a pas lieu d'en parler plus longtemps.



Deuxième exemple : je roule en voiture sur une route sinueuse, et me retrouve derrière une autre voiture qui roule assez lentement, freinant au moindre virage, et que je ne peux bien sûr pas doubler. Si la situation est traitée comme dans le premier cas, tout va bien : je ralentis, considère la possibilité de dépassement dès qu'un bout de ligne droite se présentera, et c'est à peu près tout. Mais voilà, ça va souvent se passer autrement : une pensée fuse, du genre «il ne devrait pas rouler si lentement»,ce qui revient à «il me dérange, je n'aime pas être dérangé, il ne devrait pas être là»
Du mode perceptif, je bascule automatiquement dans le mode narratif et cette pensée apparait à présent sans que je m'en rende compte comme une perception réelle : il me dérange vraiment, je le sens, une émotion monte, je suis agacé, puis énervé, je peste, fulmine, traite intérieurement ce conducteur qui a l'indélicatesse de s'opposer à ma liberté de rouler à la vitesse qui me plait d'une multitudes de noms d'oiseaux, me demande comment il a fait pour avoir son permis de conduire, et pour terminer, je vais tenter par tous les moyens de le doubler, quitte à prendre des risques inconsidérés.
Ce qui était initialement une situation simple est devenu un problème pénible, douloureux, et potentiellement dangereux simplement parce qu'au réel de la situation s'est substitué le réel de ma pensée au sujet de cette situation. A partir d'une simple croyance en une pensée source («il me dérange», et son corollaire «je n'aime pas être dérangé»), une situation entièrement fictive est générée, de manière totalement inconsciente, et pendant tout ce temps, je crois dur comme fer que ce que je pense est la réalité, j'en veux pour preuve le fait que je ressente l'émotion dans mon corps d'une manière bien réelle...

En fin de compte, dans ce deuxième exemple, l'environnement mental généré par la pensée («je suis dérangé et je n'aime pas ça») est perçu comme tout aussi réel que l'environnement direct («il y a un arbre en travers de la route») du premier exemple.



Bien entendu, la croyance en nos pensées peut revêtir des aspects bien plus subtils et la pratique de «voir» les pensées prend ici tout son sens. Lorsqu'une pensée est vue en tant que pensée, elle n'a plus le pouvoir de nous entraîner dans une histoire : c'est ainsi que notre histoire personnelle finit par disparaître. Il y a des personnes qui reçoive la grâce que cela se produise d'un coup, d'autres pour qui cela prend du temps, mais le résultat est le même : les pensées ne sont plus crues. D'ailleurs, je m'arrête là pour me consacrer à trouver la pensée source qui me pousse à raconter tout ça sur ce blog, et voir si je crois encore à cette pensée...mais peut-être aussi n'est-ce que par amusement, ou encore pour passer le temps, allez donc savoir !






FAQ : Voir ou penser ?






Nous allons utiliser ici des termes empruntés à un article américain traitant d'expériences scientifiques menées sur des pratiquant bouddhistes en état de méditation. Voir sera dénommé "focus expérientiel", penser "focus narratif".



Voici donc les définitions :

The Nar­ra­tive Baseline (le focus narratif)
“When you expe­ri­ence the world using this nar­ra­tive net­work, you take in infor­ma­tion from the out­side world, process it through a fil­ter of what every­thing means, and add your inter­pre­ta­tions. Sit­ting on the dock with your nar­ra­tive cir­cuit active, a cool breeze isn’t a cool breeze, it’s a sign than sum­mer will be over soon, which starts you think­ing about where to go ski­ing, and whether your ski suit needs a dry clean.”

Lorsque vous expérimentez le monde par l'intermédiaire du mode narratif, vous prenez une information dans le monde extérieur, la traitez à travers le filtre de la signification, et ajoutez votre interprétation. Assis au bord de l'eau avec votre circuit narratif en activité, une douce brise n'est pas une douce brise, c'est le signe que l'été va bientôt se terminer, ce qui vous amène à penser à vos prochaines vacances d'hiver, où vous pourriez aller skier, et s'il ne faudrait pas faire nettoyer votre combinaisosn de ski.

The Expe­ri­en­tial Experience (le focus expérientiel)
“When this direct expe­ri­ence net­work is acti­vated, you are not think­ing intently about the past or future, other peo­ple, or your­self, or con­sid­er­ing much at all. Rather, you are expe­ri­enc­ing infor­ma­tion com­ing into your senses in real time. Sit­ting on the jetty, your atten­tion is on the warmth of the sun on your skin, the cool breeze in your hair, and the cold beer in your hand.”

Quand le mode expérientiel est activé, vous ne pensez pratiquement plus au passé ni au futur, ni aux autres personnes, ni à vous-même, ni à quoi que ce soit d'autre. Vous êtes plutôt connectés en temps réel à l'expérience directe offerte par vos sens. Assis au bord de l'eau, votre attention se porte simplement sur la chaleur du soleil sur votre peau, la douce brise dans vos cheveux, et la bière fraîche dans votre verre.




Et voici un commentaire que m'avais envoyé un pratiquant bouddhiste également américain sur ce sujet :

«En ce qui concerne la perception directe des pensées, il y a une distinction à faire entre ce que nous pourrions appeler le "focus narratif" et le "focus expérientiel". Le focus narratif est l'état dans lequel nous passons la plus grande partie de notre vie, et c'est la raison pour laquelle nous avons une si pauvre acuité perceptive, incluant les pensées.
Le focus expérientiel nous connecte directement avec les sens; cela ne veut pas dire que les pensées cessent complètement, mais qu'elles sont vues simplement comme une partie de l'expérience. Si pour vous le fait d'avoir des pensées vous coupe de vos autres sens (qui est le mode par défaut pour la plupart d'entre nous), cela signifie simplement qu'il y a une forte attraction vers le focus narratif. La question n'est pas de condamner la pensée, mais de se maintenir en focus expérientiel. La plupart des personnes auront besoin de cultiver cela, et peuvent y être aidées par les divers "basculements" de conscience pouvant se produire ça et là au cours du chemin spirituel.» (Mark Pratityasamutpada)



Conclusion : Voir ou penser, il faut trancher !




vendredi 28 août 2020

L'Art d'Être Conscient n°6 : Swami Prajnanpad








Extraits de la page Facebook «L'Art d'Être Conscient»








« - Vous avez dit : «c’est un beau jardin».
Avez-vous vu le jardin ? L’avez-vous vu ?
- Non, non, je n’ai vu que l’image.
- Vous pensez que vous voyez, mais vous ne voyez pas.
Vous pensez que vous voyez. Quand Swamiji demande : «Qu'est-ce que c'est ?», vous dites «C'est un beau jardin.» Quelle est la signification de ceci ? Essayez d'en voir le sens. Dès que vos yeux se tournent de ce côté là, vous voyez un beau jardin. Ce qui signifie qu'immédiatement, vous allez vers une image qui vous apparait belle. Vous avez l'image de quelque chose de beau. Et vous juxtaposez cette image avec cela. Aussi, quand vous dites que vous le voyez, vous ne le voyez pas. Vos yeux sont tournés vers le jardin. Vous voyez - ou plutôt vous croyez voir - une belle image. Vous ne voyez pas le jardin.» 
(Sumangal Prakash, l'expérience de l'unité)

Ce qui empêche de «voir», c'est lorsque l'image mentale apparait, s'installe et se substitue à la vision, se faisant passer pour du réel; si ce processus n'est pas mis en lumière, il n'y a pas de vision, il n'y a que la pensée de vision : «vous pensez que vous voyez»

«Lorsque nous sommes capables de voir au-delà de la représentation holographique interne créée par le cerveau, lorsque la machine* devient pour nous transparente, nous pouvons alors observer le monde directement et dans ses moindres détails.» (E.J.Gold)

*Pour E.J.Gold, la "machine biologique humaine" désigne le corps, avec ses appareils mental, émotionnel et moteur.






mercredi 19 août 2020

E.J.Gold : Le livre des morts contemporains





A découvrir, ce livre d'E.J.Gold, dont je propose ici un court extrait, les quatre premières "lectures".




LECTURE N° 1 — Les Symptômes

Dans l'attente de passer par la transition, je m'efforce de me libé­rer de l'esprit, des habitudes et de l'identité du primate humain, me souvenant de moi-même comme d'un voyageur, me séparant de l'iden­tification avec le primate humain à l'intérieur duquel j'ai voyagé durant son existence.
En tant que voyageur, je me libère de la faible emprise de la conscience primate humaine; je sens que je retourne à mon état originel, vide parfait rayonnant, lumière infinie de l'expansion infinie; sans passé, présent ou futur; toutes mes expériences se dissolvent dans la profonde et rayonnante vacuité éternelle du vide, me libérant de l'identité et de l'environnement du primate humain. Je vais énumérer les symptômes de la transition:

1. La terre sombre dans l'eau. Une sensation profonde, incessante, de pression lentement croissante, l'impression d'être inexorablement entraîné au fond d'une mare de mercure ou de plomb, de fondre dans la terre.


2. L'eau sombre dans le feu. Une sensation de froid humide comme si j'étais subitement plongé dans de l'eau glacée —cela commence par un tremblement irrépressible, qui se perd graduellement dans une atmosphère oppressante et immobile, brûlante et irrespirable.


3. Le feu sombre dans l'air. L'impression d'être sur le point d'ex­ploser; débouchant sur une sensation de dispersion totale de mon être.


4. L'air dans la Claire Lumière. Le sentiment d'être totalement en paix, entièrement seul, totalement hors de l'espace et du temps, libre de toute nécessité; le sentiment soudain, puissant et saisissant, d'un savoir profond et ironique balaye mon être, mais ce savoir immense et considé­rable, omniscient et profond, ne semble se référer à rien de particulier.




LECTURE N° 2

Maintenant j'entre dans la transition, et je dois me séparer de toutes les accumulations matérielles et réussites ordinaires de mon séjour primate humain; je me prépare maintenant à me libérer de mes amis, ma famille, ma maison et mon environnement primate humain; je ne peux les emmener avec moi dans la Claire Lumière.

Je me prépare à survivre à la transition, car je suis un voyageur et non un primate humain; ni allant ni venant, j'ai toujours demeuré dans l'ici et maintenant, même si c'était avec des morphologies diffé­rentes. A présent mes yeux vont s'ouvrir, et je verrai qu'en réalité c'est toujours la même chambre, toujours le même jour.
Pendant la transition, j'aurai peut-être des expériences troublantes, mais ces visions n'auront aucun pouvoir sur moi si je les reconnais rapidement pour ce qu'elles sont : les principaux composants de la conscience qui se fragmente en formes élémentaires.


Je ne résiste pas à ces perceptions, ces sensations et ces cognitions à mesure qu'elles naissent en moi; toute expérience, qu'elle soit appa­remment réelle ou irréelle, est encore une partie du rêve, et aussi long­temps que j'ai l'impression d'avoir des expériences et de percevoir des changements, je suis encore dans le rêve.




LECTURE N° 3

Je suis un voyageur dont la nature est en réalité la Claire et Lumi­neuse Lumière, la vacuité infinie du vide; je demeure dans la Claire Lumière, mon état originel silencieux et immobile; j'y prends place en tant que vide rayonnant éternel. Je me souviens des efforts que j'ai faits durant ma vie primate humaine pour exercer l'attention et la présence spéciales du voyageur; je ne cherche pas la Claire Lumière devant ou derrière moi; elle n'y sera pas, car je suis la Claire Lumière elle-même; la Claire Lumière est ma nature.

Je ne permets pas à mon attention de s'égarer en rêves même pour un instant; me souvenant de moi-même comme d'un voyageur, me séparant des vestiges tenaces de la vie primate humaine, je me tiens en équilibre entre deux mondes, comme si je chevauchais une vague de l'océan. Que je vienne à perdre mon équilibre un instant, et je sombre­rai dans un furieux maelström, instantanément vaincu par l'immense puissance de l'eau. A présent je me reconnais comme la Claire Lumière rayonnante; en équilibre aisé dans cet état éternel, je ne peux pas être entraîné dans les dimensions inférieures du phénomène, de l'illusion du monde et de l'habitude organique.




LECTURE N° 4 — Confrontation à la Claire Lumière

Maintenant j'éprouve la Claire Lumière de la réalité objective. Rien n 'arrive, rien n'est jamais arrivé et n'arrivera jamais. Le voya­geur, mon être actuel, est en réalité le vide lui-même, dépourvu de qualités ou de caractéristiques.
Je me souviens que je suis un voya­geur, dont la nature profonde est la Claire Lumière elle-même; je suis un; il n'y a personne d'autre. Je suis la vacuité du vide, l'éter­nel non né, l'incréé, ni réel ni irréel. Tout ce dont j'ai jamais eu conscience était le jeu de ma propre conscience, une danse de lumière, des tourbillons de lumière dans l'expansion infinie, l'infinitude infinie, l'Absolu au-delà du changement, de l'existence, de la réalité.

Moi, le voyageur, je suis inséparable de la Claire Lumière; je ne peux ni naître, ni mourir, ni exister, ni changer. Je sais à présent qu'il s'agit de ma vrai nature.