dimanche 22 février 2015

Franklin Merrell-Wolff : La signification de l'omniscience






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LA SIGNIFICATION DE L'OMNISCIENCE, par Franklin Merrell-Wolff



Qu'est-ce que l'omniscience ? Ceux qui ont pris connaissance de quelque façon des écrits mystiques ou quasi-occultes, y auront lu qu'il existe des niveaux ou des états où un homme devient omniscient. En même temps, ces textes affirment, en appuyant beaucoup, qu'aucun homme n'est infaillible. Du point de vue relatif, ces deux affirmations semblent incompatibles et il en résulte pour le moins une mystification. Mais lorsque ces textes sont convenablement compris, les deux affirmations peuvent être vraies. Le fait est qu'aucun homme n'est omniscient au plan relatif. Et bien que la connaissance d'une telle personne puisse être très grande, il existe au-delà même de la connais­sance relative de tout humain apparu dans l'histoire — et dépassant son accomplissement quel qu'il soit —, d'autres mystères qui attendent la résolution de celui-ci. Autrement dit, nous ne voyons aucune fin conce­vable à l'évolution. Mais alors que tout cela est vrai, il existe un autre sens où un homme peut s'éveiller à l'omniscience et de façon instantanée. En fait, un tel éveil ne peut être affaire d'accomplissement graduel, car l'infini n'est jamais réalisé par des additions pro­gressives d'espaces multiformes finis. Tout cela est une question de niveau ou d'état. Le MOI est toute connais­sance et, puisqu'il inclut mais n'est pas inclus ou res­treint par l'espace, le temps et la causalité, à ce niveau il ne peut y avoir de développement, au sens d'une pro­gression d'étapes infinies. Celui qui s'est réalisé en tant que MOI est aussitôt omniscient. Mais il faut se rappe­ler que, du point de vue relatif, le MOI est Vacuité absolue, Ténèbre et Silence. Le MOI est la connaissan­ce d'où découlent toutes choses, mais cette connaissan­ce n'est pas du type sujet/objet, elle n'est pas non plus quoi que ce soit qui puisse être conçu à l'intérieur du champ cognitif de la connaissance relative. Le Silence est connaissance de tout, alors que la connaissance dans le champ subjectif/objectif devient, et il est impos­sible de parler d'infaillibilité en ce domaine.


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Il est possible d'avoir un pressentiment de ce qu'est la toute-connaissance ou la voix du silence. Le langage est composé de mots désignant de quelque façon des objets, et comprend aussi des phrases. Les mots ou les termes représentent, pourrait-on dire, de simples appréhen­sions et sont analogues à la conscience animale. Les phrases représentent des jugements, elles sont de la nature de la reconnaissance au niveau de la conscience polarisée, ou de ce que le Dr Bucke appelait « la conscience-propre ». Ici, tout a lieu dans un monde où un « Je », considéré comme distinct des autres je, est conçu comme étant conscient en quelque sorte d'un objet. Ici également, nous trouvons du sens sous une forme définissable, c'est-à-dire qu'il peut être représen­té par d'autres mots et propositions et, strictement parlant, signifier précisément ces mots et propositions. Cela toutefois ne constitue qu'un sens formel qui est aride en lui-même. Or, au-dessus et au-delà de cet éta­gement de connaissances formelles, il existe une autre signification ou un autre sens qui, alors qu'il peut être suscité par des mots et des phrases, n'est pas contenu par ceux-ci. Ce sens supérieur, une fois que l'on s'est identifié à lui, est une nourriture véritable pour l'âme et par conséquent pour tout l'homme. En général, les hommes, en éveillant des reconnaissances momenta­nées et partielles, arrivent à cette signification à partir d'en bas, au moyen de la connaissance formelle et empi­rique, utilisée avec l'habileté requise. Ces reconnais­sances momentanées sont des pressentiments, bien qu'en général à un degré très faible, de la connaissance supérieure qui est identique à la divinité elle-même. Voilà le processus qui se déroule lorsque l'homme se situe dans le monde relatif extérieur. Mais pour celui qui a connu la transition ineffable, c'est radicalement différent. L'Homme a alors trouvé son fondement dans le MOI. La connaissance d'où il part maintenant est le silence, une signification sans mots ni idées. Ici, la com­munion est au niveau de la signification elle-même, sans être embarrassée d'aucune forme. C'est un rafraî­chissement inépuisable et sans gaspillage. Depuis ce niveau, des projections vers l'extérieur sont possibles, par des pensées qui chercheraient à rejoindre ultimement l'état de gel relatif du niveau le plus objectif — celui de l'univers visible. Vu de cette pointe supérieu­re, le sens n'est pas le sommet, comme il est habituelle­ment conçu, mais la base. L'univers est l'effet dernier, mais pour son existence, il dépend absolument de cette base ou fondation du sens. Voilà pourquoi, pour le MOI, l'univers est irréel.


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Au niveau du sens, un homme peut connaître avec absolue certitude et cependant s'exprimer incorrecte­ment en essayant d'ajuster ses pensées aux formes d'expression déjà existantes. Dans ce cas, il se montre tout à fait faillible et pourtant il sait de quoi il parle, si incorrecte que puisse être son expression. S'il n'exerce pas une discrimination attentive, il est facile pour l'homme extérieur, même s'il s'est éveillé à la réalisa­tion, de se perdre ici dans la confusion. Connaissant donc la certitude propre au niveau où IL EST réelle­ment, cependant en tant qu'homme limité il attache cette certitude à ses expressions formelles, et tombe ainsi dans l'erreur. La correction extérieure, ou l'ap­proximation de la correction, doivent être acquises par l'effort, même si l'homme a atteint le niveau plus élevé de la réalisation. Dans la connaissance formelle, incluant toute connaissance des choses, grossières ou subtiles, ainsi que toute connaissance des relations, des processus, etc., il faut de la technique, une technique qui inclurait toutes les méthodes possibles de vérifica­tion et de contrôle. Naturellement, certains ont acquis en cela une plus grande expertise que d'autres et par conséquent, dans les questions qui concernent leurs champs respectifs, ont une autorité relative que d'autres n'ont pas. Ainsi donc, dans une question de connaissance formelle ou empirique, il arrivera souvent qu'un homme qui n'est pas allé au-delà du niveau égoïstique ou "auto-conscient", puisse très bien en cor­riger un autre qui est authentiquement enraciné dans le silence. Ce dernier a cependant des avantages défini­tifs lorsqu'il cherche à maîtriser un champ relatif quel­conque. Il peut acquérir de la connaissance relative dans un temps infime par rapport à ce qui est requis par d'autres, car il a l'avantage d'avoir de la perspecti­ve. Mais dans tous les cas, il faut de l'effort et du temps, même pour lui. La connaissance transcendante ou la connaissance au niveau du Sens, est acquise ins­tantanément et avec certitude, alors que l'acquisition de la connaissance relative demande toujours du temps et de l'effort, et ne donne jamais de certitude.


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