Thème et variations autour de ce sujet historique...
Tout d'abord, le thème, brièvement exposé ici : "Dans la nuit, un homme s’éveille pour découvrir qu’un serpent se trouve dans sa chambre. La présence de ce reptile le fige sur place. Mais pour le mental, il en va tout autrement: frappé de panique, il s’agite, se démène, s’affole. Le serpent va-t-il s’approcher et bondir? Ne vient-il pas de bouger?... Plus le temps passe, plus le mental de cet homme s’échauffe. La nuit lui paraît interminable. Mais au petit matin, il découvre qu’il s’agissait... d’une corde." Une première variation, sous forme d'une caméra cachée, que j'intitulerai volontiers "Le bâton et le serpent". (Il s'agit d'une «fausse» caméra cachée, mais je la trouve néanmoins assez drôle...)
Une deuxième variation qui est en fait un développement sophistiqué du thème, par Franklin Merrell-Wolff, avec une conclusion pour le moins vertigineuse...
"Les gens qui vivent dans un pays où des serpents venimeux sont un danger sérieux, connaissent l'illusion de percevoir une couleuvre qui n'y est pas. Nous qui avons beaucoup vécu dans la nature sauvage du Far West, connaissons très bien cette illusion. On apprend très tôt à se tenir constamment sur ses gardes, de sorte qu'à la surface de son esprit, on guette toujours les couleuvres. Il arrive souvent qu'un bâton, un bout de câble, ou quelque autre objet long et effilé soient perçus à moitié consciemment, suscitant une réaction de l'organisme avant que la reconnaissance rationnelle de l'objet ne soit possible. On semble voir une couleuvre, sentir le choc, se figer, et peut-être sursauter, avant que l'on puisse juger rationnellement. Le moment d'après, on voit son erreur. J'ai vécu cette expérience plusieurs fois, et après l'avoir analysée, je m'aperçois qu'elle révèle beaucoup de choses. La couleuvre, qui semble être perçue au début, est devenue le moment d'après, un bâton, un câble, ou tout autre objet qu'elle pourrait être. La question est alors : « Qu'est-il arrivé à la couleuvre ? Est-elle devenue un bâton ? un câble ? » Le dernier jugement pratique nous dit que la couleuvre n'est pas devenue un bâton, qu'elle n'a jamais été là. Toutefois, il n'y a pas de doute que, au sens physique, l'expérience de la couleuvre y était. Alors, quelle est donc la nature de son existence? On ne peut certainement pas lui attribuer une réalité substantielle. Ça ne peut sûrement pas mordre ou être autrement dangereux, dans un sens objectif. Le moment suivant la reconnaissance rationnelle et le jugement, il n'y a simplement pas de couleuvre. De plus — et ce point subtil est le noeud même de la question — la couleuvre cesse d'avoir jamais existé. Je sais que c'est ainsi que se déroule le processus, puisque je l'ai observé tant et tant de fois. Il demeure vrai qu'il y a eu un état d'illusion psychique, et pourtant, il y a un sens fort important où la couleuvre cesse d'être, en tant que fait présent et passé. L'illusion n'a absolument rien ajouté ni enlevé à la réalité. Il y a donc aucun problème quant à la réintégrer dans la réalité.
Finalement, le moniste trouve la résolution spéculative de son problème en appliquant à la totalité de l'expérience relative, le principe d'interprétation que je viens d'exposer. L'expérience relative diffère de celle de la couleuvre, en ce qu'elle n'est pas corrigée d'un seul coup par la reconnaissance et le jugement rationnels. Il s'agit de la considérer comme une vaste démence illusoire et de la corriger comme on résout un problème de rêve : en s'éveillant tout simplement. La souffrance humaine est de la même nature que la souffrance du dément illusoire, et il n'existe pas de vraie guérison en partant du principe que l'état de démence est réel."
Il est à noter que les photos qui illustrent cet article sont en elles-même une variation sur le thème de départ, à part qu'il ne s'agit pas d'un serpent, mais d'un orvet, et que là, c'est plutôt le "serpent" que l'on peut prendre pour une corde! Pour terminer, une autre caméra cachée, intitulée "Les deux serpents", dans le sens que le premier est faux, le deuxième imaginaire...
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