mercredi 14 mai 2008

Stephen Jourdain (6 et fin)



6
Mais dans un instant de présence, je n’ai pour­tant pas d’image !

Mais peut-être qu’une absence d’image est encore une image ; le phénomène est très subtil ! Le propre de cette pensée première, dont nous devons prendre conscience, est qu’elle est comme une pen­sée mais ne ressemble pas à une pensée. Elle arrive à nous mystifier en se déguisant. Si, en effet, nous utilisons les critères de reconnaissance habituels qui définissent une pensée, nous ne pouvons pas arriver au repérage de cette pensée première. D’autres cri­tères deviennent indispensables parce qu’elle est déguisée ; c’est un être très malin, très vicieux, qui s’est déguisé pour mieux nous berner.

Ainsi, cette image mentale « moi » ne ressemble pas à l’idée des images mentales que nous avons habituellement ; c’est pourtant une image mentale profonde, première, primordiale et non consciente.
Mais cette imagerie mentale non consciente n’est pas un phénomène pervers en elle-même. Elle va devenir perverse car il y a deux versants : ce qu’elle est et ce que nous en faisons. Il est même très dangereux d’induire que c’est le phénomène de signification qui est pervers parce qu’à partir de là je vis la destruction du sens.

Il faut donc comprendre l’importance de distin­guer le réel de l’irréel...


Oui, mais ce qui va t’indiquer que le réel auquel tu t’adresses est légitime ou non, qu’il s’agit d’un réel authentique ou d’un pseudo-réel, ce n’est en aucune manière ta raison ou ton raisonnement, c’est unique­ment ton intuition. Nous ne pouvons pas nous fonder sur la raison pour établir cette discrimination et sépa­rer le bon grain de l’ivraie. Si nous nous fondons sur notre intuition, nous ne nous trompons jamais, mais cela demande beaucoup de courage parce que les dires de notre raison sont impressionnants. Il faut beaucoup de courage pour congédier la bête !


Si notre pensée ou notre raison n’est pas l’ins­trument de l’éveil, comment mieux préciser l’ins­trument de conscience de soi ?


Il n’y a qu’un seul instrument d’auto-connais­sance, c’est l’acte de conscience, et puis il y a un autre instrument qui est d’une grande noblesse, c’est la pensée intelligente, discursive et spéculative. Mais force est de constater que cette pensée n’est pas l’instrument d’auto-connaissance. Et l’on pour­ra spéculer un milliard d’années, avec une finesse avoisinant la perfection, sans pour autant avancer d’un millimètre vers la chose ultime. L’acte à accomplir est un acte de conscience et non pas un acte de pensée. Définir maintenant le propre de l’ac­te de conscience est bien difficile, c’est peut-être même impossible. Disons cependant que c’est l’ac­te qui renvoie le sujet profond à sa propre existence et le fait coïncider avec lui-même. C’est l’acte de la conscience d’être qui est tout simplement l’être.

Il y a donc deux grands modes de connaissance : la connaissance consciente et la connaissance pensan­te. Ce deuxième mode de connaissance n’ayant pas à être systématiquement remis en cause, bien qu’il soit susceptible de s’avilir de façon foudroyante.

Peut-on dire que cette chute a lieu à tout instant et non,à un moment donné, ce qui reste pour nous une chance ?


Oui, la grande chance de notre déchéance, c’est la possibilité de la rédemption, alors que la chute est toujours là. En fait, notre destin spirituel se joue, à tout instant, dans la pointe de présent pur de notre esprit, et donc notre malédiction n’a pas d’origine temporelle mais une origine instantanée et, à tout instant, la partie se gagne ou se perd. Mais ce qui est fabuleux, c’est que nous ayons en nous le pouvoir de remonter jusqu’à cette instantanéité afin de répa­rer les dommages. La rédemption est possible, mais à contre-courant de nous-mêmes, vers notre propre source, jusqu’à arriver aux abords de la source où se mettent en place les phénomènes pervers que j’ai évoqué. La chance inouïe est que cette ascension est possible : elle est très subtile mais ne réclame pas de talent particulier ni d’énergie particulière. Elle réclame beaucoup de subtilité et beaucoup d’auda­ce. Nous n’avons aucune chance d’opérer cette remontée si nous manquons de cette qualité pre­mière qu’est la témérité, ou l’audace, d’être capable de casser toutes les objections que notre raison va nous présenter, et de faire fi de tous les préjugés qui vont se manifester comme des loups furieux au moment de cette ascension. Mais c’est tout à fait possible.

2 commentaires :

Anonyme a dit…

J'aime à penser que notre intuition est l'instrument infaillible pour reconnaître le réel de l'irréel!!! Et j'y travaille beaucoup en ce moment grâce au Focusing.
Merci Michel et Stephen!
Pascale :-))

Chronophonix a dit…

J'ai failli mettre ce paragraphe en gros caractères, puis me suis ravisé en me disant : le lira qui doit le lire! C'est effectivement pour moi l'essentiel de tout cet article.
Bien vu, Pascale